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  • Présentation de "La Grande Bellazza" de Paolo Sorrentino (compétition officielle de Cannes 2013) et critique de "This must be the place"

    C’est avec plaisir que je retrouverai le cinéma de Paolo Sorrentino à Cannes après mon coup de coeur pour « This must be the place », il y a deux ans et dont je vous invite à retrouver ma critique un peu plus bas après mes critiques de « Still life » de Jia Zhang Ke, « Two lovers » et « La Nuit nous appartient » de James Gray, ces derniers jours, à l’occasion des sélections de leurs réalisateurs en compétition officielle de ce 66ème Festival de Cannes.

    Paolo Sorrentino se retrouve ainsi pour la 4ème fois en compétition à Cannes après « Les Conséquences de l’amour » en 2004, « L’ami de la famille » en 2006, »Il Divo » en 2008, et « This must be the place » en 2011 qui avait reçu le prix du jury oecuménique. Il fut par ailleurs président du jury Un Certain Regard en 2009.

    Ce film sortira en salles en France, le 22 Mai 2013. Je vous laisse en découvrir le synopsis, prometteur, ci-dessous. Au casting, son acteur détiche : Toni Servillo.

    Synopsis de « La Grande Bellazza » : C’est l’été à Rome et la cité éternelle brille d’une beauté insaisissable et définitive. Jep Gamberdella a soixante-cinq ans, il continue de dégager un charme sur lequel le temps ne semble pas avoir d’emprise. Auteur dans sa jeunesse d’un seul roman, « L’Appareil humain », il n’a plus rien écrit depuis. Il est devenu un très grand journaliste qui fréquente la haute société romaine et les mondanités. Sa vie est une succession de rendez-vous et de fêtes excentriques dont il est le protagoniste. Jep, cynique, désabusé et souffrant, assiste à la crise d’une société qui semble avoir transformé les hommes en monstres. Seul le souvenir de l’amour innocent de sa jeunesse sortira Jep de la résignation qu’il semble avoir choisie comme existence. Peut-être est-il temps pour lui de se remettre à écrire.

    Je vous rappelle enfin que mon site consacré au Festival de Cannes est désormais http://inthemoodforfilmfestivals.com .

    CRITIQUE DE « THIS MUST BE THE PLACE » DE PAOLO SORRENTINO

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    « This must be the place » de Paolo Sorrentino était reparti bredouille de la compétition du Festival de Cannes 2011, enfin presque puisqu’il avait reçu le prix du jury œcuménique. Avec son premier film en Anglais, le cinéaste italien était ainsi pour la quatrième fois en compétition à Cannes, trois ans après avoir obtenu un prix du jury pour « Il divo ». Avec « Melancholia », « Minuit à Paris » et « The Artist », c’était un de mes coups de cœur de cette édition 2011 qui a souvent fasciné autant qu’il a agacé les festivaliers. Des réactions aussi extrêmes sont souvent signes d’un univers fort, ce que possède incontestablement Paolo Sorrentino.

    Sean Penn y interprète Cheyenne, 50 ans, une ancienne star du rock. Il vit de ses rentes à Dublin où il traine sa mélancolie et son ennui. La mort de son père avec qui il a coupé les ponts depuis des années le décide à partir pour New York. Là, il découvre que son père pourchassait un ancien criminel de guerre nazi, un bourreau d’Auschwitz qui l’avait humilié. Cheyenne va poursuivre la vengeance de son père et, pour l’accomplir, va traverser les Etats-Unis…

    En revoyant « This must be the place », j’ai pensé à l’écriture de Françoise Sagan. A sa fameuse petite musique des mots qui fait que, au-delà de l’histoire qu’elle nous raconte, le caractère jubilatoire de la forme happe notre attention et nous donne envie de dévorer notre lecture. C’est le cas aussi de la mise en scène de Sorrentino qui nous ensorcelle avec sa « petite musique » des images (des mots d’ailleurs aussi avec, en voix off, parfois le texte du père de Cheyenne). La comparaison n’est d’ailleurs pas aussi absurde, Cheyenne aurait ainsi pu dire telle la Cécile de « Bonjour tristesse » : « Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. »

    Cheyenne, c’est donc Sean Penn, allure gothique et dégingandée, dos courbé, démarche lente et irrésolue, voix traînante, visage maquillé à la Robert Smith et rire triste et improbable. Pour entrer dans le film, il faut évidemment adhérer à son personnage d’enfant capricieux sur les épaules duquel semblent peser tous les malheurs du monde (en tout cas ceux de son histoire et de l’Histoire, rien que ça). Contrairement à ce qu’il a déclaré récemment à propos d’un autre film (indice : ce film a obtenu la palme d’or), il semble vraiment savoir ce qu’il est venu faire là. Ses gestes, son regard, son phrasé : tout nous fait oublier l’acteur pour construire ce personnage de grand enfant innocent, malicieux, capricieux, ce chanteur de rock déchu, à la fois pathétique, touchant, ridicule, flamboyant, décalé. Face à lui, Jane (Frances McDormand), sa femme, aussi forte, présente, décidé qu’il est faible, absent, velléitaire. Leur couple est d’ailleurs symbolique de ce film tout en contradictions et judicieux décalages.

    « Paolo réalise des films rapides sur des gens lents et des films drôles sur des gens tristes », a déclaré Sean Penn lors du dernier Festival de Cannes. Sorrentino recourt en effet à la légèreté pour évoquer le poids de l’existence que Cheyenne semble porter, mais aussi le poids de la tragédie. Contradictions encore avec ce père absent et omniprésent. Entre ce personnage enfantin, sa fragilité apparente et sa terrible, et souvent irrésistible, lucidité (Au départ on se dit « Ce sera ça ma vie » puis « C’est ça la vie » déclare-t-il ainsi). Entre la gravité du sujet et la tendresse loufoque pour l’aborder. Entre les grands espaces américains et la mélancolie irlandaise. Entre le visage fardé et ce qu’il dissimule. Entre la mort omniprésente et la vie absente d’un Cheyenne qui s’ennuie. Contradictions entre la fantaisie parfois dérisoire et son objectif qui est tout sauf dérisoire. Entre l’inoffensivité apparente d’un homme et les crimes qu’il a commis.

    Sorrentino semble prendre autant de plaisir à sublimer cette Amérique que Cheyenne traverse qu’à en souligner les ridicules excès, entre les images d’Epinal de l’American dream, les paysages qui ressemblent à des peintures de Hopper avec ses motels, ses stations service, ses vastes étendues d’une beauté vertigineuse et ses excès (ou contradictions à nouveau) qu’il tourne en dérision : d’un armurier à la plus grande pistache du monde, en passant par une bouteille géante qui entrave sa route. Il nous en montre aussi la diversité des visages et des paysages comme un enfant curieux, celui qu’est encore Cheyenne, qui découvre Le Nouveau Monde, un nouveau monde, un enfant qui s’émerveille et croise des personnages (un Indien silencieux, une oie, un bison…) qui semblent tout droit sortie d’un conte. Les moments de fantaisie poétique sont encore sublimés par la musique comme dans cette scène avec cette chanson interprétée par David Byrne, le chanteur des Talking heads qui a composé la musique du film (pas une première puisqu’il a reçu l’Oscar de la meilleure musique pour la BO du Dernier Empereur de Bertolucci).

    « This must be the place », c’est un parcours initiatique: l’histoire d’un masque qui tombe, d’un enfant qui grandit, d’un homme qui se relève. D’un artiste enfantin qui devient un homme et fume sa première cigarette. Un film inclassable qui mélange habilement les genres, un road movie qui déroute et enchante, ou nous glace par sa lucidité. Un film envoûtant grâce à la musique de David Byrne, la virtuosité de la mise en scène de Sorrentino et de l’interprétation de Sean Penn qui nous plongent dans une atmosphère poétique, onirique et fantaisiste qui dissimule un visage grave et lucide. Un bel hommage à « Paris, Texas » de Wim Wenders, et à « Into the wild » de Sean Penn, aussi. Un personnage et un film qui vous restent dans la tête comme une petite musique. Celle des mots de Sagan. Ou une grande. Celle des Talkings Heads. « Il faut choisir, dans l’existence, un moment, un seul, où la peur disparaît » nous dit-on dans le film. Ce périple en fait partie. Un périple réjouissant et bouleversant, grave et léger, mélancolique et enchanteur, fardé et sincère. Qui donne envie de regarder la vérité derrière le masque. Celle de l’abjection (le bourreau nazi) ou de l’humanité (Cheyenne) qui se mettent à nu (au propre comme au figuré ici). Leur rencontre improbable donne ce grand film construit sur de brillants contrastes.

    Catégories : COMPETITION OFFICIELLE Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Programme de Cannes Classics 2013 - 66ème Festival de Cannes

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    Chaque année, la section Cannes Classics nous réserve de belles (re)découvertes cinématographiques et de grands moments d'émotion. Avec un tel programme que celui de cette édition 2013 de Cannes Classics que je vous invite à découvrir ci-dessous, cette année ne devrait pas déroger à la règle. Que de choix cornéliens encore cette année. Difficile de résister à "Hiroshima mon amour", "Vertigo", "Cléopâtre", "Les parapluies de Cherbourg" et surtout à "Plein soleil" qui est un de mes films préférés. Nombreux seront aussi les prestigieux invités à cette occasion avec notamment Kim Novak pour "Vertigo". En bonus, retrouvez également ma critique de "Plein soleil " en bas de cet article.

    Jean Cocteau, 20th Century Fox, Liz Taylor et Richard Burton, la World Cinema Foundation, une Palme d’Or 1964, Ted Kotcheff et Duddy Kravitz, des anniversaires, des célébrations, Yasujirô Ozu, le retour à Cannes de Lino Brocka et de Sembene Ousmane, les Jeux Olympiques de Munich, Alain Resnais retrouvé, une Grande Bouffe et un peu de Sake seront les ingrédients de Cannes Classics 2013.


    Parce que le rapport du cinéma contemporain à sa propre mémoire était sur le point d’être bouleversé par l’apparition du numérique, parce que le Festival de Cannes doit aussi enchanter le cinéma du passé, le Festival de Cannes a créé en 2004 Cannes Classics, programmation présentant des films anciens et des chefs d’œuvre de l’histoire du cinéma dans des copies restaurées. Devenu partie aussi naturelle qu’essentielle de la Sélection officielle, idée reprise par les festivals internationaux, Cannes Classics est aussi une façon de rendre hommage au travail de fond effectué désormais par les ayant-droits, les cinémathèques, les sociétés de production ou les archives nationales à travers le monde.

    Ainsi, Cannes Classics met le prestige du Festival de Cannes au service du cinéma retrouvé, accompagnant la sortie en salles ou en DVD des grandes œuvres du passé.

    Les films sélectionnés pour cette édition 2013 sont projetés en présence de ceux qui ont restauré ces films et, lorsqu’ils sont encore parmi nous, de ceux qui les ont réalisés.

    Le programme de l’édition 2013 de Cannes Classics se compose de 20 longs métrages, et de 3 documentaires. Les films sont projetés comme voulus par les ayant-droits, en 35mm, DCP 2K ou DCP 4K.


    Comme déjà annoncé, Kim Novak viendra présenter la copie restaurée de VERTIGO d’Alfred Hitchcock. De plus, le programme Cannes Classics 2013 sera placé sous le signe d’un film ayant marqué l’histoire du Festival de Cannes : LA GRANDE BOUFFE de Marco Ferreri, qui suscita lors de sa présentation en 1973 l’un des plus gros scandales de la Croisette.


    Les films sont projetés comme voulus par les ayant-droits, en 35mm, DCP 2K ou DCP 4K.


    • Pour commémorer le 50e anniversaire d’un des péplums les plus célèbres et les plus polémiques de l’histoire du cinéma, la 20th Century Fox, en partenariat avec Bulgari, présente une copie restaurée de CLEOPATRA (CLEOPATRE) de Joseph L. Mankiewicz (1963, 4h03).
    La restauration numérique a été réalisée en 4K par la 20th Century Fox. La projection aura lieu en présence de Kate Burton, fille de Richard Burton et de Chris Wilding, fils d’Elizabeth Taylor.

    • Le film des Jeux Olympiques de Munich 1972 : VISIONS OF EIGHT (1973, 1h49) de Youri Ozerov, Milos Forman, Mai Zetterling, Claude Lelouch, Arhur Penn, Michael Pfleghar, John Schlesinger, Kon Ichikawa. Présenté par le Comité International Olympique.
    Restauration numérique 4K à partir du négatif original par Warner Bros. Motion Picture Imaging, Burbank. Restauration sonore à partir des pistes magnétiques originales par Audio Mechanics, Burbank.

    • LA REINE MARGOT de Patrice Chéreau (1994, 2h39) présentée par Pathé.
    Il y a vingt ans déjà que Patrice Chéreau, produit par Claude Berri, tournait sa Reine Margot, qu’il présenta à Cannes l’année suivante. Vingt ans après, dix ans après avoir été Président du Jury, Patrice Chéreau, revient sur la Croisette, entouré de quelques comédiens du film, dont Daniel Auteuil, membre du Jury de Cannes 2013.
    En prévision du 20e anniversaire de la sortie du film, Pathé a restauré le film en 4K en 2013 et a confié les travaux, sous la direction de Patrice Chéreau, à Eclair Group pour l’image et L.E Diapason pour le son.

    • Dans le cadre de la célébration par Cannes 2013 du centenaire de la naissance du cinéma Indien, RDB Entertainments présente CHARULATA (1964, 1h57), l’un des chefs d’œuvres de Satyajit Ray (1921-1992), cinéaste qui a figuré dès ses premiers au panthéon mondial et dont l’œuvre est peu à peu restaurée dans son pays d’origine.
    Le film est présenté en copie restaurée depuis le négatif, restauration supervisée par RDB Entertainments et réalisée dans les Studios Pixion à Bombay, en Inde.

    • Autre célébration, celle du 110e anniversaire de la naissance du cinéaste japonais Yasujirô Ozu : les studios Schochiku poursuivent la restauration de son œuvre immense en présentant SANMA NO AJI (LE GOUT DU SAKE, AN AUTUMN AFTERNOON) (1962, couleur, 2h13), l’ultime film du cinéaste.
    Restauration numérique par Shochiku Co., Ltd., le National Film Center et le National Museum of Modern Art, à Tokyo. Le film sera distribué en France par Carlotta Films.

    • LE JOLI MAI de Chris Marker et Pierre Lhomme (1963, nouvelle durée 2013 : 2h25) distribué par La Sofra et Potemkine Films.
    Lorsque le projet de restaurer Le Joli Mai a été lancé, Chris Marker était là. Disparu le 29 juillet 2012, la projection à Cannes de ce film devenu très rare sera l’hommage au cinéaste par le Festival de Cannes et par ses amis, dont Pierre Lhomme, co-réalisateur du film et qui en a supervisé la restauration.
    La restauration photochimique puis la numérisation et restauration du film original dans sa version intégrale ont été réalisées, avec le soutien du CNC/Archives Françaises du Film, par Mikros Images. Selon les souhaits de Chris Marker, Pierre Lhomme, co-réalisateur du film, a ensuite effectué des coupes d’une vingtaine de minutes pour la version restaurée.
    Les scans 2K, les restaurations de l’image et du son ont été réalisées par le laboratoire Mikros Images.


    • GOHA de Jacques Baratier (1957, 1h18)
    Comme chaque année, les Archives françaises du film du CNC présentent l’un de leurs travaux de restauration du patrimoine français. C’est un cinéaste rare, Jacques Baratier, réalisateur en 1967 du Désordre à vingt ans, qui est à l’honneur cette année, grâce au soutien de sa fille Diane. A noter que Goha, film présenté à Cannes en 1957 sous pavillon marocain, est le premier film de Claudia Cardinale et qu’Omar Sharif, qui vint à Cannes pour la première fois avec Youssef Chahine, y apparaît sous le nom d’Omar Cherif.
    Restauration à partir du négatif par les Archives françaises du film du CNC en collaboration avec Diane Baratier. Restauration numérique du son (mono d’origine).

    • L’infatigable Martin Scorsese poursuit, depuis New York et grâce à la Film Foundation, la restauration des chefs d’œuvres de l’histoire du cinéma contemporain. En attendant de voir la suite de son Voyage dans le cinéma italien, le voilà qui a trouvé les moyens financiers de présenter une copie 4K restaurée de LUCKY LUCIANO (1973, 1h55) de Francesco Rosi.
    Restauration financée par la Film Foundation et la Hollywood Foreign Press Association et réalisée par la cinémathèque de Bologne au laboratoire L’immagine Ritrovata. En collaboration avec Cristaldi Film et Paramount Pictures.

    • IL DESERTO DEI TARTARI (LE DESERT DES TARTARES) de Valerio Zurlini (1976, 2h20).
    Inspiré du roman de Dino Buzzati, Le Désert des tartares réunit, outre Jacques Perrin qui a produit le film, Vittorio Gassman, Philippe Noiret, Max von Sydow, Jean-Louis Trintignant, Francisco Rabal, Fernando Rey. Devenu impossible à voir sur grand écran, il était temps de le restaurer.
    Travaux numériques effectués par Digimage Classics. Restauration image 4K à partir du négatif original avec l'accord de Cinecitta et sous le contrôle de Luciano Tovoli, directeur de la photographie du film. Restauration son par Gérard Lamps. Produit par Galatée Films et distribué en France à partir du 12 juin par Les Acacias. Ventes Monde : Pathé International.

    • THE APPRENTICESHIP OF DUDDY KRAVITZ (L’APPRENTISSAGE DE DUDDY KRAVITZ) de Ted Kotcheff (1974, 2h)
    Connu dans le monde entier comme le réalisateur du premier Rambo, Ted Kotcheff (né en 1931 à Toronto) est aussi le metteur en scène du grand classique australien Wake in fright (1971), de Who is Killing the Great Chefs of Europe (La grande Cuisine, 1978) et de The Apprenticeship of Duddy Kravitz, avec Richard Dreyfuss, qui eut une grande carrière internationale. Le film sera projeté en présence de Ted Kotcheff, des équipes de restauration et de production, ainsi que des équipes du festival international de Toronto.
    Restauration numérique en 2K par les équipes de Technicolor Creative Services Toronto. Le film a été nettoyé image par image. La correction de couleur et de son a été supervisée par Ted Kotcheff. Le projet a été financé par The Academy of Canadian Cinema and Television, Astral, Technicolor Creative Services Canada, Telefilm Canada, The National Film Board of Canada et la Cinémathèque Québécoise.

    • LES PARAPLUIES DE CHERBOURG de Jacques Demy (1964, 1h31)
    Après La Bataille du rail de René Clément et Le Guépard de Luchino Visconti, voici une autre Palme d’or désormais réservée et visible en numérique. Dans le cadre de l’exposition accueillie par la Cinémathèque française (jusqu’au 4 août 2013), restauration de l’intégralité de la filmographie de Jacques Demy.
    Une restauration numérique 2K d’après le scan 2K de la sélection trichrome, faite par Ciné Tamaris au laboratoire Digimage, avec le soutien du Festival de Cannes, LVMH, la ville de Cherbourg, la région Basse-Normandie et la campagne de crowdfunding sur kisskissbankbank. L’ensemble des travaux de restauration ont été suivis par Agnès Varda, Rosalie Varda-Demy. Mathieu Demy a supervisé l’étalonnage.

    • HIROSHIMA MON AMOUR d’Alain Resnais (1959, 1h32)
    L’an dernier, Alain Resnais présentait Vous n’avez encore rien vu en compétition, et en ce printemps 2013, il tourne son nouveau film, Aimer boire et chanter. Hiroshima mon amour fut son premier film de fiction, produit par Anatole Dauman, dont la fille Florence veille sur le patrimoine, et présenté à Cannes 1959. Le voici, présenté dans les conditions étincelantes d’une nouvelle vie numérique.
    La restauration 4K a été effectuée à partir du négatif original par Argos Films, la Fondation Technicolor, la Fondation Groupama Gan et la Cineteca di Bologna, avec le soutien du CNC. Elle a été supervisée par le directeur de la photographie Renato Berta. Travaux faits par le laboratoire L’Immagine Ritrovata avec fabrication d’éléments de préservation ainsi que d’éléments numériques et 35 mm pour sa diffusion. Ressortie en salles françaises le 17 juillet 2013.

    • BOROM SARRET de Ousmane Sembene (1963, 20’) et MANILA IN THE CLAWS OF LIGHT (MANILLE) de Lino Brocka (1975, 2h04) sont présentés par la World Cinema Foundation, association lancée à Cannes en 2007 par Martin Scorsese et de nombreux cinéastes, afin de restaurer les trésors du monde entier, venus en particulier de pays n’ayant pas de tradition de préservation du patrimoine.
    Le court métrage de Sembene Ousmane a été restauré par le laboratoire L’Immagine Ritrovata et le laboratoire Eclair, en collaboration avec l’Institut National de l’Audiovisuel. Le film de Lino Brocka a été l’objet d’une restauration numérique 4K effectuée également par L’Immagine Ritrovata. soutenue par le Conseil National des Philippines.


    • THE LAST DETAIL (LA DERNIERE CORVEE) de Hal Ashby (1973, 1h44)
    A l’occasion du 40ème anniversaire de sa sortie en salles, Sony Pictures redonne vie à l’un des grands films des années soixante-dix américaines : The Last Detail de Hal Ashby, devenu impossible à voir dans de bonnes conditions sur grand écran. Rappelons que Jack Nicholson remporta le Prix d'interprétation masculine lors de la présentation du film à Cannes en 1973.
    Restauration numérique en 4K par Sony Pictures effectuée par Grover Crisp à Sony Pictures Entertainment – Sony Pictures Colorworks. Sortie en salle prévue pour novembre 2013 par Park Circus Films.


    • THE LAST EMPEROR 3D (LE DERNIER EMPEREUR) (1987, 2h43) de Bernardo Bertolucci
    Restauration en 4k par Recorded Picture Company et Repremiere Group dans les laboratoiress de Technicolor Rome. Une restauration supervisée par Bernardo Bertolucci, par le producteur Jeremy Thomas et le cinématographe Vittorio Storaro. La reconversion en 3D a été réalisée par Prime Focus.

    • FEDORA REMASTERED de Billy Wilder (1978, 1h50)
    Restauration de Bavaria Media en coopération avec CinePostproduction, Allemagne.


    • PLEIN SOLEIL de René Clément (1960, 1h55)
    Le film a été restauré en 4K par Studio Canal et La Cinémathèque francaise avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain (DGA, MPAA, SACEM, WGAW). Les travaux ont été réalisés par L’Immagine Ritrovata à Bologne.



    A l’occasion des cinquante ans de la mort de Cocteau

    Jean Cocteau fut Président du Jury du Festival de Cannes et dans les années cinquante a grandement contribué par sa fidélité et ses contributions à en faire ce qu’il est rapidement devenu. Mort en 1963, Cocteau sera célébré en 2013 : l’écrivain, le poète, le peintre, le diariste. C’est l’homme et le cinéaste que Cannes va consacrer en projetant dans une soirée spéciale La Belle et la Bête, sélectionné à Cannes en 1946 qui sera suivi de Opium, une comédie musicale réalisée dans le cadre de l’année Cocteau par Arielle Dombasle et qui raconte les amours de Raymond Radiguet et de Jean Cocteau, au début des années 20.

    LA BELLE ET LA BETE de Jean Cocteau (1946, 1h34)
    Restauration numérique effectuée par le SNC / Groupe M6 et La Cinémathèque française, avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain.

    OPIUM (2013, 1h15) comédie musicale réalisée par Arielle Dombasle et produite par MARGO cinéma, avec le soutien de Pierre Bergé et de Canal Plus. Avec Grégoire Colin, Samuel Mercer, Julie Depardieu, Hélène Fillières, Niels Schneider, Philippe Katrine et Anna Sigalevitch. Sortie française octobre 2013 (Ad Vitam).



    DEUX DOCUMENTAIRES PROJETES SALLE BUNUEL

    • CON LA PATA QUEBRADA (2013, 1h23), un documentaire de Diego Galán produit par Enrique Cerezo P.C et El Deseo. Des années 30 à nos jours, une chronique sur la représentation de la femme dans le cinéma espagnol, qui est aussi un retour sur l’histoire du pays.

    • A STORY OF CHILDREN & FILM (2013, 1h40) de Mark Cousins, est le premier portrait global des enfants dans le cinéma. A partir d’extraits tirés de 53 films de 25 pays différents, ce documentaire est une suite « enfantine » de THE STORY OF FILM : AN ODYSSEY du même réalisateur. Un documentaire produit par Mary Bell et Adam Dawtrey de BofA Productions.

    Enfin, pour saluer Joanne Woodward (dont présence reste à confirmer), qu’on aperçoit avec son mari Paul Newman sur l’affiche de sa 66e édition, le Festival projettera un film qu’elle a produit et qu’elle a souhaité montrer : SHEPARD & DARK de Treva Wurmfeld (2013, 1h29).


    Par ailleurs, Cannes Classics s’étend également au cinéma de la plage où seront présentées les copies restaurées des films suivants :


    CINEMA DE LA PLAGE


    JOUR DE FETE de Jacques Tati (France, 1949, 1h27)
    Restauration numérique en 2K par les Films de mon Oncle


    THE GENERAL de Buster Keaton (1926, 1h18)
    Restauration numérique en 4K réalisée par la Modern Videofilm sous la supervision de Cohen Film Collection.


    THE BIRDS (LES OISEAUX) d’Alfred Hitchcock (1963, 2h09)
    Restauration en 4K réalisée par Universal Studios Digital Services à l’occasion de leur Centenaire. (2012)


    SIMEON (1992, 1h55) d’Euzhan Palcy
    Le film d’Euzhan Palcy sera projeté pour saluer le poète Aimé Césaire qui 2013 célèbre le centenaire.


    LE GRAND BLEU (1988, 2h16) de Luc Besson
    Restauration numérique en SCOPE réalisée par Gaumont en partenariat avec le laboratoire Eclair Groupe.


    THE LADIES’ MAN (LE TOMBEUR DE CES DAMES) de Jerry Lewis (1961, 1h35)
    Copie numérique issue de la restauration du négatif réalisé par Technicolor pour Paramount et Swashbuckler Films.


    L’HOMME DE RIO de Philippe de Broca (France, 1964, 1h52)
    Restauration 2K supervisée par TF1 Droits Audiovisuels avec le soutien du CNC. Ressortie en salle le 29 mai et en DVD, Blu Ray et VOD le 15 mai.


    SAFETY LAST (MONTE LA-DESSUS) (USA, 1923, 1h13) de Fred C.Newmeyer et Sam Taylor
    Restauration par Janus Films, Criterion et Harold Loyd Entertainment.

    CRITIQUE DE « PLEIN SOLEIL » DE RENE CLEMENT

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    Après les critiques de « La Piscine », « Borsalino », « Le Guépard », « Monsieur Klein », « Le Cercle rouge », « Le Professeur« , je poursuis donc aujourd’hui le cycle consacré à Alain Delon sur inthemoodforcinema.com avec « Plein soleil » de René Clément, l’un des films que j’ai choisis dans le cadre de la programmation du ciné club du restaurant Les Cinoches.

    Dans ce film de 1960, Alain Delon est Tom Ripley, qui, moyennant 5000 dollars, dit être chargé par un milliardaire américain, M.Greenleaf, de ramener son fils Philippe (Maurice Ronet) à San Francisco, trouvant que ce dernier passe de trop longues vacances en Italie auprès de sa maîtresse Marge (Marie Laforêt). Tom est constamment avec eux, Philippe le traite comme son homme à tout faire, tout en le faisant participer à toutes ses aventures sans cesser de le mépriser. Mais Tom n’est pas vraiment l’ami d’enfance de Philippe qu’il dit être et surtout il met au point un plan aussi malin que machiavélique pour usurper l’identité de Philippe.

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    « Plein soleil » est une adaptation d’un roman de Patricia Highsmith (écrite par Paul Gégauff et René Clément) et si cette dernière a été très souvent adaptée (et notamment le roman le « Talentueux Monsieur Ripley » titre originel du roman de Patricia Highsmith qui a fait l’objet de très nombreuses adaptations et ainsi en 1999 par Anthony Minghella avec Matt Damon dans le rôle de Tom Ripley), le film de René Clément était selon elle le meilleur film tiré d’un de ses livres.

    Il faut dire que le film de René Clément, remarquable à bien des égards, est bien plus qu’un thriller. Par l’évocation de la jeunesse désinvolte, oisive, désœuvrée, égoïste, en Italie, il fait même penser à la « Dolce vita » de Fellini.

    Cette réussite doit beaucoup à la complexité du personnage de Tom Ripley et à celui qui l’incarne. Sa beauté ravageuse, son identité trouble et troublante, son jeu polysémique en font un être insondable et fascinant dont les actes et les intentions peuvent prêter à plusieurs interprétations. Alain Delon excelle dans ce rôle ambigu, narcissique, où un tic nerveux, un regard soudain moins assuré révèlent l’état d’esprit changeant du personnage. Un jeu double, dual comme l’est Tom Ripley et quand il imite Philippe (Ronet) face au miroir avec une ressemblance à s’y méprendre, embrassant son propre reflet, la scène est d’une ambivalente beauté.

    Si « Plein soleil » est le cinquième film d’Alain Delon, c’est aussi son premier grand rôle suite auquel Visconti le choisit pour « Rocco et ses frères ». Sa carrière aurait-elle était la même s’il avait joué le rôle de Greenleaf qui lui avait été initialement dévolu et s’il n’avait insisté pour interpréter celui de Tom Ripley ? En tout cas, avec « Plein soleil » un mythe était né et Delon, depuis, considère toujours Clément comme son « maître absolu ». Ils se retrouveront d’ailleurs peu après pour les tournages de « Quelle joie de vivre » (1960), « Les Félins » (1964) et enfin « Paris brûle-t-il ? » en 1966.

    Face à lui, Ronet est cynique et futile à souhait. Le rapport entre les deux personnages incarnés par Delon et Ronet est d’ailleurs similaire à celui qu’ils auront dans « La Piscine » de Jacques Deray, 9 ans plus tard, le mépris de l’un conduisant pareillement au meurtre de l’autre. Entre les deux, Marge se laisse éblouir par l’un puis par l’autre, victime de ce jeu dangereux mais si savoureux pour le spectateur qui ne peut s’empêcher de prendre fait et cause pour l’immoral Tom Ripley.

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    L’écriture et la réalisation de Clément procurent un caractère intemporel à ce film de 1960 qui apparaît alors presque moins daté et plus actuel que celui de Minghella qui date pourtant de 1999 sans compter la modernité du jeu des trois acteurs principaux qui contribue également à ce sentiment de contemporanéité. « Plein soleil » c’est aussi « la confrontation entre l’éternité et l’éphémère, la beauté éternelle et la mortalité »*, la futilité pour feindre d’oublier la finitude de l’existence et la fugacité de cette existence. Les couleurs vives avec lesquelles sont filmés les extérieurs renforcent cette impression de paradoxe, les éléments étant d’une beauté criminelle et trompeuse à l’image de Tom Ripley. La lumière du soleil, de ce plein soleil, est à la fois élément de désir, de convoitise et le reflet de ce trouble et de ce mystère. Une lumière si bien mise en valeur par le célèbre chef opérateur Henri Decaë. L’éblouissement est celui exercé par le personnage de Tom Ripley qui est lui-même fasciné par celui dont il usurpe l’identité et endosse la personnalité. Comme le soleil qui à la fois éblouit et brûle, ils sont l’un et l’autre aussi fascinants que dangereux.

    Acte de naissance d’un mythe, thriller palpitant, personnage délicieusement ambigu, lumière d’été trompeusement belle aux faux accents d’éternité, « Plein soleil » est un chef d’œuvre du genre dans lequel la forme coïncide comme rarement avec le fond, les éléments étant la métaphore parfaite du personnage principal. « Plein soleil », un film trompeusement radieux par lequel je vous conseille vivement de vous laisser éblouir !

    *Phrase extraite de l’ouvrage de de D. Bantcheva, René Clément, de même que les citations d’Alain Delon extraites de l’interview publiée dans le livre en question.

    Enfin, j’en profite pour vous rappeler que, si vous aimez les festivals de cinéma, la semaine prochaine sortira mon roman « Les Orgueilleux » qui se déroule entièrement dans le cadre d’un festival de cinéma. Pour en savoir plus dès à présent, suivez sa page Facebook, ici : http://facebook.com/LesOrgueilleux .

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  • Complément de sélection du 66ème Festival de Cannes

    Vous aviez pu lire, ici, il y a 10 jours mon compte-rendu de la conférence de presse de sélection du Festival de Cannes 2013. Comme chaque année, quelques jours plus tard ont été dévoilés le jury puis un complément de sélection que je vous invite à découvrir ci-dessous avec, notamment, le film de Claude Lanzmann, ce qui n’est pas vraiment une surprise, celui-ci ayant évoqué sa fort probable présence à Cannes lors du dernier Salon de Livre dont je vous avais parlé sur http://inthemoodlemag.com .

    COMPÉTITION

    ONLY LOVERS LEFT ALIVE de Jim JARMUSCH
    HORS COMPETITION

    LE DERNIER DES INJUSTES de Claude LANZMANN
    UN CERTAIN REGARD

    MY SWEET PEPPERLAND de Hiner SALEEM
    TORE TANZT de Katrin GEBBE 1er Film
    WAKOLDA de Lucia PUENZO

    La sélection Cannes Classics 2013 sera annoncée lundi 29 avril.

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  • Critique de "Still life" de Jia Zhang Ke et présentation de "A Touch of Sin" (sélection officielle - Cannes 2013)

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    Comme chaque année, chaque jour, ici, vous pourrez retrouver la critique d’un ou plusieurs films d’un cinéaste en sélection officielle de ce Festival de Cannes 2013. Ce sera aussi pour moi l’occasion de vous dire à nouveau quelques mots sur les films sélectionnés. Après les critiques, ici, de « Two lovers » et « La nuit nous appartient » de James Gray, à l’occasion de sa sélection en compétition officielle pour « The Immigrant », je vous propose aujourd’hui la critique de « Still life » de Jia Zhangke sélectionné en compétition officielle pour » A Touch of Sin ».

    Jia Zhangke est déjà venu à Cannes, la première fois, en 2002 pour « Plaisirs inconnus », avant d’être président du jury de la Cinéfondation en 2007, puis à nouveau compétition en 2008 pour « 24 City » et en 2010 avec « I Wish, I Knew » à Un Certain Regard.

    Concernant « A Touch of Sin », nous savons pour le moment uniquement qu’il s’agit d’ »un film en quatre histoires au coeur de la Chine d’aujourd’hui, des nouvelles métropoles aux zones plus rurales du pays. » et que Wu Jiang fera partie du casting.

    Si j’ai choisi de vous parler de « Still life » c’est que ce film m’avait forte impression (cf ma critique ci-dessous) mais aussi parce qu’il est lié à un souvenir particulier pour moi puisque après avoir remporté un concours de critiques de films suivi d’un entretien j’avais été chroniqueuse d’un jour sur l’émission « Le Cercle », justement pour présenter une séquence de ce film puis pour en débattre.

    Je vous rappelle enfin que, cette année, c'est sur mon nouveau site http://inthemoodforfilmfestivals.com que vous pourrez me suivre en direct de Cannes.

    CRITIQUE : STILL LIFE de Jia Zhang Ke ou à la recherche du temps perdu…

    Dès l’admirable plan séquence du début, ensorcelés et emportés déjà par une mélodieuse complainte, nous sommes immergés dans le cadre paradoxal du barrage des 3 Gorges situé dans une région montagneuse du cœur de la Chine : cadre fascinant et apocalyptique, sublime et chaotique. En 1996, les autorités chinoises ont en effet entrepris la construction du plus grand barrage hydroélectrique du monde. De nombreux villages ont été sacrifiés pour rendre possible ce projet.

    Là, dans la ville de Fengjie nous suivons le nonchalant, morne et taciturne San Ming courbé par le poids du passé et des années, parti à la recherche du temps perdu. Il voyage en effet à bord du ferry The World (du nom du précèdent film du réalisateur, référence loin d’être anodine, témoignage d’une filiation évidente entre les deux films) pour retrouver son ex-femme et sa fille qu’il n’a pas vues depuis 16 ans.

    Pendant ce temps, Shen Hong, dans la même ville cherche son mari qu’elle n’a pas vu depuis deux ans. Leurs déambulations mélancoliques se succèdent puis alternent et se croisent le temps d’un plan dans un univers tantôt désespérant tantôt d’une beauté indicible mis en valeur par des panoramiques étourdissants.

    Tandis que les ouvriers oeuvrent à la déconstruction, de part et d’autre de la rivière, ces deux personnages essaient de reconstruire leur passé, d’accomplir leur quête identitaire au milieu des déplacements de population et des destructions de villages. Engloutis comme le passé de ses habitants.

    Ce film présenté en dernière minute dans la catégorie film surprise de la 63ème Mostra de Venise a obtenu le lion d’or et a ainsi succédé à Brokeback Mountain.

    The World était le premier film du réalisateur à être autorisé par le gouvernement chinois. Jusqu’ici ils étaient diffusés illégalement sur le territoire, dans des cafés ou des universités. Dans The World Jia Zhang Ke traitait déjà du spectacle triomphant de la mondialisation et de l’urbanisation accélérée que subit la Chine.

    A l’étranger, ses films étaient même présentés dans des festivals comme Cannes en 2002 avec Plaisirs inconnus. Son parcours témoigne avant tout de son indépendance et de sa liberté artistique.

    Ancien élève de l’école des Beaux-Arts de sa province, il étudie le cinéma à l’Académie du film de Pékin, avant de fonder sa structure de production le Youth Experimental Film Group. Son œuvre entend révéler la réalité de la Chine contemporaine.

    En 2006, Jia Zhang-Ke réalise Dong, un documentaire autour de la construction du barrage des Trois Gorges à travers les peintures de son ami, le peintre Liu Xiaodong, présenté dans la section Horizons lors de la 63e Mostra de Venise.

    Entre brumes et pluies, d’emblée, le décor nous ensorcelle et nous envoûte. Qu’il présente la nature, morte ou resplendissante, ou la destruction Jia Zhang Ke met en scène des plans d’une beauté sidérante. Le décor est dévasté comme ceux qui l’habitent. La lenteur et la langueur reflètent la nostalgie des personnages et le temps d’une caresse de ventilateur, la grâce surgit de la torpeur dans cet univers âpre.

    Jia Zhang Ke se fait peintre des corps, en réalisant une véritable esthétisation de ceux-ci mais aussi de la réalité et, si son tableau est apocalyptique, il n’en est pas moins envoûtant. Le film est d’ailleurs inspiré de peintures, celles du peintre Liu Xiaodong qui a peint le barrage des 3 Gorges à plusieurs reprises dont Jia Zhang Ke avoue s’être inspiré.

    Ces personnages sont « encore en vie » malgré la dureté de leurs existences et le poids des années, du silence, des non dits. C’est un cinéma à l’image de la vie, l’ennui est entrecoupé d’instants de beauté fulgurante et fugace.

    Still life, malgré son aspect et son inspiration documentaires n’en est pas moins un film éminemment cinématographique : par l’importance accordée au hors champ (comme ces marins qui mangent leur bol de nouilles tandis que San Ming leur parle, hors champ), par des plans séquences langoureux et impressionnants, et puis par des références cinématographiques notamment au néoréalisme et à Rossellini et Rome, ville ouverte ou à John Woo avec cet enfant qui imite Chow Yun Fat ou encore celui qui regarde le Syndicat du crime de John Woo.

    C’est un film polysémique qui, comme dans The World, nous parle des rapports entre tradition et modernité comme avec cet enfant qui chante des musiques sentimentales surannées ou ces portables qui jouent des musiques sentimentales ou ces comédiens en costumes traditionnelles qui s’amusent avec leurs portables.

    Jia Zhang Ke ausculte subtilement les contradictions de son pays en pleine mutation. Le barrage des 3 Gorges, c’est la Chine en concentré, la Chine d’hier avec ces immeubles que l’on détruit, la Chine intemporelle avec ses décors majestueux, pluvieux et embrumés et la Chine de demain. La Chine écartelée entre son passé et son présent comme le sont les deux personnages principaux dans leur errance. Les ruines qui contrastent avec le barrage scintillant allumé par les promoteurs comme un gadget symbolisent cette Chine clinquante, en voie de libéralisme à défaut d’être réellement sur la voie de la liberté.

    Jia Zhang Ke a ainsi voulu signer une œuvre ouvertement politique avec « le sentiment d’exil permanent des ouvriers, tous plus ou moins au chômage, tous plus ou moins sans domicile fixe », « les ouvriers détruisent ce qu’ils ont peut-être eux-mêmes construits ».

    Un plan nous montre une collection d’horloges et de montres. Comme le cinéma. Dans une sorte de mise en abyme, il immortalise doublement le temps qui passe. C’est donc aussi un film sur le temps. Celui de la Chine d’hier et d’aujourd’hui. Celui de ces deux ou seize années écoulées. Ce n’est pas pour rien que Jia Zhang Ke a étudié les Beaux-Arts et la peinture classique. Il dit lui-même avoir choisi le cinéma « parce qu’il permet de saisir et de montrer le temps qui passe ». C’est l’idée bouddhiste qui « si le destin est écrit, le chemin importe d’autant plus ».

    Comme dans J’attends quelqu’un dont je vous parlais il y a quelques jours , ici aussi on prend le temps (ce n’est d’ailleurs pas leur seul point commun comme évoqué plus haut). De s’ennuyer. Un ennui nécessaire et salutaire. Pour se dire qu’on est « encore en vie » ou pour déceler la beauté derrière et malgré la destruction car Still life (=Encore en vie ) est un film de contrastes et paradoxes judicieux : à l’image de son titre, il sont encore en vie malgré les années, malgré la destruction, malgré tout. Prendre le temps de voir aussi : l’histoire devant l’Histoire et l’Histoire derrière l’Histoire, les plans de Jia Zhang Ke mettant souvent l’intime au premier plan et le gigantisme (des constructions ou déconstructions) au second plan.

    C’est aussi un hommage à la culture chinoise du double, des opposés yin et yang, entre féminin et masculin, intérieur et extérieur, construction-destruction et nature, formes sombres et claires, le tout séparé par la rivière, frontière emblématique de ce film intelligemment dichotomique.

    C’est un film en équilibre et équilibré à l’image de son magnifique plan final du funambule suspendu entre deux immeubles. Parce que, ce qu’il faut souligner c’est que ce film plaira forcément à ceux qui ont aimé « The World » mais qu’il pourra aussi plaire à ceux qui ne l’ont pas aimé, notamment par son aspect surréaliste, ses plans imaginaires qui instillent de la légèreté et un décalage salutaire comme ce plan de l’immeuble qui s’écroule ou ces plans poétiques de ces couples qui dansent sur une passerelle aérienne contrebalançant la dureté des paroles échangées ou la douleur du silence, l’impossibilité de trouver les mots.

    Enfin il faut souligner la non performance et le talent éclatant de ses acteurs principaux Han Sanming et Zhao Thao qui ont d’ailleurs joué dans presque tous les films de Jia Zhang Ke. C’est en effet leur quatrième collaboration commune.

    Je vous invite donc à partir dans cette errance poétique à la recherche du temps perdu au rythme d’une complainte nostalgique et mélancolique…

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  • THE IMMIGRANT de James Gray (compétition officielle - Festival de Cannes 2013) - Critiques de "Two lovers" et "La nuit nous appartient"

    Pour mon plus grand plaisir, James Gray sera à nouveau en compétition cette année à Cannes avec, « The immigrant » (auparavant intitulé « Lowlife »), un film dans lequel jouent notamment Marion Cotillard, Joaquin Phoenix et Jeremy Renner. Il sortira en France en novembre 2013. Ce sera ainsi son 4ème film projeté dans le cadre de la compétition après « The Yards » (en 2000), « La nuit nous appartient » (en 2007) et, enfin, « Two lovers » en 2008. Il fut également membre du jury des longs-métrages en 2009.

    Synopsis: 1920, Ewa Cybulski et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda est atteinte de tuberculose et est placée en quarantaine. Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules et avide de réussite. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, la mort dans l’âme, à la prostitution. L’arrivée d’Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne confiance, mais la jalousie de Bruno va les précipiter dans la folie meurtrière.

    1920, Ewa Cybulski et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda est atteinte de tuberculose et est placée en quarantaine. Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules et avide de réussite. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, la mort dans l’âme, à la prostitution. L’arrivée d’Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne confiance, mais la jalousie de Bruno va les précipiter dans la folie meurtrière.

    En attendant de découvrir ce film à Cannes et de vous en livrer ma critique, ici, je vous propose, ci-dessous, mes critiques de « La Nuit nous appartient » et « Two lovers ».

    CRITIQUE – LA NUIT NOUS APPARTIENT de James Gray

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    La nuit nous appartient. Voilà un titre très à-propos pour un film projeté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes. Cannes : là où les nuits semblent ne jamais vouloir finir, là où les nuits sont aussi belles et plus tonitruantes que les jours et là où les nuits s’égarent, délicieusement ou douloureusement, dans une profusion de bruits assourdissants, de lumières éblouissantes, de rumeurs incessantes. Parmi ces rumeurs certaines devaient bien concerner ce film de James Gray et lui attribuer virtuellement plusieurs récompenses qu’il aurait amplement méritées (scénario, interprétation, mise en scène…) au même titre que « My blueberry nights », mon grand favori, ou plutôt un autre de mes grands favoris du festival, l’un et l’autre sont pourtant repartis sans obtenir la moindre récompense…

    Ce titre poétique (« We own the night » en vo, ça sonne encore mieux en Anglais non ?) a pourtant une source plus prosaïque qu’il ne le laisserait entendre puisque c’est la devise de l’unité criminelle de la police de New York chargée des crimes sur la voie publique. Ce n’est pas un hasard puisque, dans ce troisième film de James Gray ( « The Yards » son précèdent film avait déjà été projeté en compétition au Festival de Cannes 2000) qui se déroule à New York, à la fin des années 80, la police en est un personnage à part entière. C’est le lien qui désunit puis réunit trois membres d’une même famille : Bobby Green (Joaquin Phoenix), patron d’une boîte de nuit appartenant à des Russes, à qui la nuit appartient aussi, surtout, et qui représentent pour lui une deuxième et vraie famille qui ignore tout de la première, celle du sang, celle de la police puisque son père Burt (Robert Duvall) et son frère Joseph (Mark Walhberg) en sont tous deux des membres respectés et même exemplaires. Seule sa petite amie Amada (Eva Mendes), une sud américaine d’une force fragile, vulgaire et touchante, est au courant. Un trafic de drogue oriente la police vers la boîte détenue par Bob, lequel va devoir faire un choix cornélien : sa famille d’adoption ou sa famille de sang, trahir la première en les dénonçant et espionnant ou trahir la seconde en se taisant ou en consentant tacitement à leurs trafics. Mais lorsque son frère Joseph échappe de justesse à une tentative d’assassinat orchestrée par les Russes, le choix s’impose comme une évidence, une nécessité, la voie de la rédemption pour Bobby alors rongé par la culpabilité.

    Le film commence vraiment dans la boîte de nuit de Bobby, là où il est filmé comme un dieu, dominant et regardant l’assemblée en plongée, colorée, bruyante, gesticulante, là où il est un dieu, un dieu de la nuit. Un peu plus tard, il se rend à la remise de médaille à son père, au milieu de la police de New York, là où ce dernier et son frère sont des dieux à leur tour, là où il est méprisé, considéré comme la honte de la famille, là où son frère en est la fierté, laquelle fierté se reflète dans le regard de leur père alors que Bobby n’y lit que du mépris à son égard. C’est avec cette même fierté que le « parrain » (les similitudes sont nombreuses avec le film éponyme ou en tout cas entre les deux mafias et notamment dans le rapport à la famille) de la mafia russe, son père d’adoption, regarde et s’adresse à Bobby. Le décor est planté : celui d’un New York dichotomique, mais plongé dans la même nuit opaque et pluvieuse, qu’elle soit grisâtre ou colorée. Les bases de la tragédie grecque et shakespearienne, rien que ça, sont aussi plantées et même assumées voire revendiquées par le cinéaste, de même que son aspect mélodramatique (le seul bémol serait d’ailleurs les mots que les deux frères s’adressent lors de la dernière scène, là où des regards auraient pu suffire…)

    Les bons et les méchants. L’ordre et le désordre. La loi et l’illégalité. C’est très manichéen me direz-vous. Oui et non. Oui, parce que ce manichéisme participe de la structure du film et du plaisir du spectateur. Non, parce que Bobby va être écartelé, va évoluer, va passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres. Il va passer d’un univers où la nuit lui appartenait à un autre où il aura tout à prouver. Une nuit où la tension est constante, du début et la fin, une nuit où nous sommes entraînés, immergés dans cette noirceur à la fois terrifiante et sublime, oubliant à notre tour que la lumière reviendra un jour, encerclés par cette nuit insoluble et palpitante, guidés par le regard lunatique (fier puis désarçonné, puis déterminé puis dévasté de Joaquin Phoenix, magistral écorché vif, dont le jeu est d’ailleurs un élément essentiel de l’atmosphère claustrophobique du film). James Gray a signé là un film d’une intensité dramatique rare qui culmine lors d’une course poursuite d’anthologie, sous une pluie anxiogène qui tombe impitoyablement, menace divine et symbolique d’un film qui raconte aussi l’histoire d’une faute et d’une rédemption et donc non dénué de références bibliques. La scène du laboratoire (que je vous laisse découvrir) où notre souffle est suspendu à la respiration haletante et au regard de Bob est aussi d’une intensité dramatique remarquable.

    « La nuit nous appartient », davantage qu’un film manichéen est donc un film poignant constitué de parallèles et de contrastes (entre les deux familles, entre l’austérité de la police et l’opulence des Russes,-le personnage d’Amada aussi écartelé est d’ailleurs une sorte d’être hybride, entre les deux univers, dont les formes voluptueuses rappellent l’un, dont la mélancolie rappelle l’autre- entre la scène du début et celle de la fin dont le contraste témoigne de la quête identitaire et de l’évolution, pour ne pas dire du changement radical mais intelligemment argumenté tout au long du film, de Bob) savamment dosés, même si la nuit brouille les repères, donne des reflets changeants aux attitudes et aux visages. Un film noir sur lequel plane la fatalité : fatalité du destin, femme fatale, ambiance pluvieuse. James Gray dissèque aussi les liens familiaux, plus forts que tout : la mort, la morale, le destin, la loi.

    Un film lyrique et parfois poétique, aussi : lorsque Eva Mendes déambule nonchalamment dans les brumes de fumées de cigarette dans un ralenti langoureux, on se dit que Wong Kar-Wai n’est pas si loin… même si ici les nuits ne sont pas couleur myrtille mais bleutées et grisâtres. La brume d’une des scènes finales rappellera d’ailleurs cette brume artificielle comme un écho à la fois ironique et tragique du destin.

    C’est épuisés que nous ressortons de cette tragédie, heureux de retrouver la lumière du jour, sublimée par cette plongée nocturne. « La nuit nous appartient » ne fait pas partie de ces films que vous oubliez sitôt le générique de fin passé (comme celui que je viens de voir dont je tairai le nom) mais au contraire de ces films qui vous hantent, dont les lumières crépusculaires ne parviennent pas à être effacées par les lumières éblouissantes et incontestables, de la Croisette ou d’ailleurs…

    CRITIQUE – TWO LOVERS de James Gray

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    Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider, un homme hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, un amour dévastateur et irrépressible.

    L’intérêt de « Two lovers » provient avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. Si James Gray est avant tout associé au polar, il règne ici une atmosphère de film noir et une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente.

    Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d’un trouble bipolaire (mais ce n’est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…

    Il éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne ( plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit.

    James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée et un scénario pudique et la magnifique photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale, mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse, d’une humanité bouleversantes. James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père etc).

    Un film d’une tendre cruauté, d’une amère beauté, et parfois même d’une drôlerie désenchantée, un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Irrépressiblement. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, « Una furtiva lagrima » que dans le chef d’œuvre de Woody Allen « Match point » dans lequel on retrouve la même élégance dans la mise en scène et la même « opposition » entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski… : les ressemblances entre les deux films sont trop nombreuses pour être le fruit du hasard ), et James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Trois ans après sa sortie : d’ores et déjà un classique du cinéma romantique.

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  • Le jury du Festival de Cannes 2013

    Le jury du 66ème Festival de Cannes

     

    Quel beau jury pour ce 66ème Festival de Cannes! Nous savions déjà qu’il serait présidé par Steven Spielberg. Voici les noms des prestigieux jurés qui l’entoureront:

    - Vidya Balan (Actrice indienne)

    - Naomi Kawase (Réalisatrice japonaise)

    - Nicole Kidman (Actrice / productrice australienne)

    - Lynne Ramsay (Scénariste / réalisatrice / productrice britannique)

    -Daniel Auteuil (Acteur / réalisateur français)

    - Ang Lee (Réalisateur / producteur / scénariste taïwanais)

    - Cristian Mungiu (Scénariste / réalisateur / producteur roumain)

    - Christoph Waltz (Acteur autrichien)

    Le Jury du 66e Festival de Cannes aura à départager les films en Compétition pour composer le Palmarès qui sera annoncé sur scène lors de la cérémonie de Clôture, le 26 mai prochain, cérémonie qui culminera avec l’attribution de la Palme d’or.

    Catégories : JURYS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Kim Novak, invitée d'honneur du Festival de Cannes 2013

    Retrouvez, ci-dessous le communiqué de presse du festival au sujet de cette annonce et je vous rappelle que, cette année, c'est sur http://inthemoodforfilmfestivals.com que vous pourrez me suivre en direct du festival.

    A l’occasion de la restauration d’un des chefs-d’œuvre du cinéma mondial, Vertigo (Sueurs froides) d’Alfred HITCHCOCK, le Festival de Cannes a invité son héroïne, Kim NOVAK à honorer de sa présence la manifestation.

    Kim NOVAK assistera à la présentation de Sueurs froides, tourné en 1958, qui sera projeté en copie restaurée dans le cadre de Cannes Classics. Elle participera également à la cérémonie de Clôture du 66e Festival de Cannes où elle remettra un des prix du Palmarès, le dimanche 26 mai 2013.
    Kim NOVAK était venue pour la première fois au Festival en 1959 pour la présentation de Middle of the Night (Au milieu de la nuit), de Delbert MANN (Palme d’or 1955 avec Marty). Elle a surtout marqué les mémoires avec ses rôles de prostituée au grand cœur dans Embrasse-moi, idiot (Kiss Me, Stupid) de Billy Wilder, la sorcière de l’Adorable Voisine (Bell Book and Candle), de Richard Quine, ou encore la femme adultère de Liaisons secrètes (Strangers When We Meet), du même Quine. Kim Novak fut, surtout, la troublante héroïne de Sueurs froides (Vertigo, 1958), le plus beau film d’Alfred Hitchcock que son réalisateur décrit comme « une histoire d’amour au climat étrange. »

    Kim NOVAK déclarait à propos de son rôle : « Ce qui est intéressant, c’est que le scénario me renvoyait à ce que je vivais à l’époque : c’était l’histoire d’une femme que l’on force à être quelqu’un qu’elle n’est pas. » Réfractaire à la dictature des studios, elle s’éloignera tôt d’Hollywood pour se consacrer à la peinture.

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  • Le programme complet de la Semaine de la Critique 2013

    Découvrez, ci-dessous, la sélection complète de la Semaine de la Critique qui aura lieu du 16 au 24 Mai 2013. Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site officiel de la Semaine de la Critique : http://www.semainedelacritique.com/ .

    COMPETITION

     

    Long-métrages

     

    Salvo Fabio Grassadonia & Antonio Piazza (Italie/France)

     

    The Lunchbox Dabba Ritesh Batra (Inde/France/Allemagne)

     

    For Those in Peril Paul Wright (Royaume-Uni)

     

    Le Démantèlement The Dismantlement Sébastien Pilote (Canada)

     

    Nos héros sont morts ce soir David Perrault (France)

     

    Los Dueños Agustin Toscano & Ezequiel Radusky (Argentine)

     

    The Major Yury Bykov (Russie)

     

     Courts métrages

     

    Vikingar Magali Magistry (France/Islande)

     

    Agit Pop Nicolas Pariser (France)

     

    Pátio Ali Muritiba (Brésil)

     

    Come and Play Komm und Spiel Daria Belova (Allemagne)

     

    The Opportunist David Lassiter (États-Unis)

     

    Pleasure Ninja Thyberg (Suède)

     

    Océan Emmanuel Laborie (France)

     

    Tau Seru Rodd Rathjen (Inde/Australie)

     

    La lampe au beurre de Yak HU Wei (Chine/France)

     

    Breathe me HAN Eun-young (Corée du Sud)

     

     

    Séances spéciales

     

    Film d’Ouverture

     

    Suzanne Katell Quillévéré (France)

     

    Films de Clôture

     

    La Soirée de Clôture sera annoncée ultérieurement

     

     Séance spéciale

     

    Les Rencontres d’après minuit Yann Gonzalez (France)

     

    Séances spéciale

     

    Les Amants du Texas Ain’t Them Bodies Saints David Lowery (États-Unis)

     

    INVITATIONS

     

    La Collection CANAL+  Festival de Morelia  Talents Cannes Adami

     

    Catégories : SEMAINE DE LA CRITIQUE Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Toutes les infos sur la présence de CANAL + au 66ème Festival de Cannes

    Cela fait vingt ans que est partenaire du festival de Cannes et que la chaîne, notamment, produit et retransmet en clair, en direct et en exclusivité les cérémonies d’ouverture et de clôture dont cette année, Audrey Tautou, sera la pétillante maîtresse de cérémonie.

    CEREMONIES

    Mercredi 15 mai à partir de 19H15, en clair et en direct sera donc diffusée la cérémonie d’ouverture

    Dimanche 26 mai à partir de 19H00, en clair et en direct, sera diffusée la cérémonie de clôture

    La cérémonie sera suivie de l’Après-clôture, une émission présentée en direct par Laurent Weil.

    LE GRAND JOURNAL DE CANNES

    Du 15 au 24 mai, en direct et en clair, présenté par Michel Denisot. Chaque soir à partir du 15 mai, à 19H05, en direct et en clair, Michel Denisot et son équipe recevront sur le plateau les plus grandes stars du cinéma pour un moment unique et privilégié, au coeur de l’événement. Mouloud Achour, Doria Tillier la Miss Météo, Augustin Trapenard, Chris Esquerre, ébastien Thoen et Vincent Glad ont aussi leur passeport cannois pour deux semaines.

    LES GUIGNOLS DE L’INFO, fidèles au rendez-vous, feront aussi le déplacement sous les palmes de Cannes. Mais

    Enfin, à l’heure de la montée des marches, en duplex depuis le Palais des festivals, Laurent Weil nous fera vivre l’événement comme si on y était.

    20H00-20H25 LE GRAND JOURNAL DU FESTIVAL

    Michel Denisot et son équipe accueillent chaque soir les invités prestigieux qui font vivre le cinéma.

    La scène musicale internationale est également attendue chaque soir et avec elle la promesse d’artistes prestigieux pour un live quotidien inédit. Vanessa Paradis en tête, dès le premier jour !

    Tous les cinémas sont dans LE GRAND JOURNAL.

    LES MARCHES

    Tous les jours à 18H45, en clair et en direct, au coeur du GRAND JOURNAL à Cannes, Laurent Weil nous fait partager l’actualité du festival avec les plus grandes stars internationales.

    20H30 – LE PETIT JOURNAL

    ,Yann Barthès et son équipe du PETIT JOURNAL décryptent l’actualité avec la malice et l’impertinence qui leur sont propres et ouvrent une page cannoise pendant toute la durée du festival.

    RENCONTRES DE CINÉMA

    Présenté par Laurent Weil

    Du 11 au 25 mai, chaque samedi à 12H20 en clair, Laurent Weil nous conviera à des tête-à-tête exceptionnels avec les talents qui feront l’événement lors de cette 66e édition du festival.

    Pour inaugurer ces rencontres cannoises, Laurent Weilnous proposera, le 11 mai, de découvrir en exclusivité un documentaire de 26 minutes réalisé par Baz Luhrmann nous ouvrant les coulisses de la réalisation de GATSBY LE MAGNIFIQUE, son dernier long métrage présenté en ouverture du festival.

    LE CERCLE

    Présenté par Frédéric Beigbeder, entouré de Philippe Rouyer, Xavier Leherpeur, Marie Sauvion, François Bégaudeau, Maroussia Dubreuil, Jacky Goldberg, Eric Neuhoff, Christine Haas, Jean-Marc Lalanne et Jérôme Momcilovic. Frédéric Beigbeder et sa troupe de joyeux critiques cinéma débattent avec fougue des films présentés à l’occasion du plus grand rendez-vous cinéphilique mondial.

    Vendredi 17 mai, deux jours après le coup d’envoi du 66e festival de Cannes, Frédéric Beigbeder et ses acolytes nous convient à un tour d’horizon de la sélection cannoise. Coup de projecteur sur les films les plus attendus, débats autour de films sortis en salles le même jour, sujets sur la Quinzaine des réalisateurs et la Semaine de la critique seront au rendez-vous.

    Lundi 27 mai, un jour après l’annonce du palmarès du président Spielberg et de son jury, toute la bande se retrouve autour de la table du CERCLE pour commenter les résultats et faire part au public de ses coups de coeur mais aussi de ses déceptions.

    FILMS

    Seront également diffusés un certain nombre de films du Festival de Cannes 2012 comme « Sur la route » de Walter Salles, « Moonrise Kingdom » de Wes Anderson, « De rouille et d’os » de Jacques Audiard, « Journal de France » de Raymond Depardon, « Laurence Anyways » de Xavier Dolan…

    PRIX DU CARROSSE D’OR

    Chaque année, Canal plus CINÉMAest présente sur la Croisette pour soutenir la Société des réalisateurs de films qui récompense depuis 2002 un cinéaste contemporain pour l’audace, la qualité novatrice et l’indépendance de son oeuvre. Cette année, c’est la réalisatrice et scénariste néo-zélandaise Jane Campion, première femme à avoir décroché la Palme d’or à Cannes en 1993 pour LA LEÇON DE PIANO et présidente du jury des courts métrages de cette 66e édition, qui sera couronnée lors de la cérémonie d’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs.

    DISPOSITIF DIGITAL #CANNES2013 !

    Vivez au rythme du festival en immersion totale au coeur du plus grand événement cinéma mondial avec CANALPLUS.FR. Du cinéma, mais aussi du glamour et de l’humour seront au programme de cette édition 2013, du 15 au 26 mai. Le site dédié de CANALPLUS.FR proposera autour de ces thèmes des programmes originaux avec l’expertise cinéphilique décalée de Didier Allouch ou encore le regard acéré de Mademoiselle Agnès sur les robes de stars, qui conseillera aussi aux “fashionistas” des looks cannois à emporter à prix abordables ! Avec le hashtag officiel #CANNES2013, les réseaux sociaux seront au cœur du dispositif avec les livetweets quotidiens des montées des marches et du GRAND JOURNAL, le zaptweet cannois sur les meilleurs moments du festival illustrés des meilleurs commentaires de nos twitos VIP, le vinecall des stars sur la Croisette et les galeries photos thématiques sur Pinterest…

    Ce site incontournable, déjà riche de vidéos et de photos des éditions précédentes, permettra de suivre tous les événements de #CANNES2013 à travers de nombreuses exclusivités web : diffusion live des cérémonies d’ouverture et de clôture, réactions des lauréats, montées des marches quotidiennes, interviews des comédiens et réalisateurs et bandes-annonces des films en sélection officielle, et bien sûr les principaux rendez-vous de Cabal plus consacrés au festival : LE GRAND JOURNAL DE CANNES avec ses live diffusés en exclusivité sur CANALPLUS.FR, les RENCONTRES DE CINÉMA de Laurent Weil, LE CERCLE de Frédéric Beigbeder… Chaque jour, des galeries photos thématiques offriront un nouveau regard sur les coulisses des émissions  et sur tous les événements de la Croisette, comme les photocall et les montées des marches.

    En attendant la diffusion en direct de la cérémonie d’ouverture, le mercredi 15 mai, le site dédié de CANALPLUS.FR propose aux internautes de revoir les meilleurs moments de l’édition 2012 en vidéos et photos, notamment l’incroyable parcours du film AMOUR de Michael Haneke. C’est aussi le lieu incontournable pour suivre les infos indispensables sur le festival #CANNES2013 dévoilées au jour le jour, comme la sélection officielle 2013, qui feront vibrer Cannes cette année. Et soyez prêts à d’autres surprises à l’approche du festival ! www.canalplus.fr/cannes

    TV FESTIVAL

    TV FESTIVAL, la chaîne officielle du festival de Cannes, ouvre son antenne pendant toute la durée de l’événement du mercredi 15 mai à 18H15 au dimanche 26 mai 2013.

    Coproduite par Canal plus et Orange pour le compte du festival de Cannes (production exécutive KM), elle retransmet les best of des cérémonies d’ouverture et de clôture et, quotidiennement et en direct, le parcours des équipes des films en sélection officielle : photocalls, interviews, montées des marches, conférences de presse et réactions des équipes des films après les projections dans le grand théâtre Lumière du Palais des festivals. TV FESTIVAL est diffusée sur des canaux événementiels propres.

    La chaîne est accessible aux abonnés de CANALSAT (canal 39 en multilingue) et aux abonnés des chaînes Canal plus (canal 39). Plus d’informations sur www.tvfestival.tv

    Et, pour tous les professionnels de l’audiovisuel, un site de distribution online http://video.tvfestival.tv

    CHAQUE JOUR PHOTOCALL (10 min)

    En exclusivité pour les caméras de TV FESTIVAL, le moment privilégié des photographes face aux équipes des films et aux personnalités du cinéma.

    INTERVIEW (10 min)

    Les interviews exclusives des équipes en sélection officielle réalisées par Pierre Zéni et illustrées par des extraits des films.

    CONFÉRENCE DE PRESSE (45 min)

    La rencontre très attendue de chaque équipe de film avec les médias internationaux.

    LES MARCHES (20 min)

    Chaque jour, en direct à 19H00 et 22H00, Didier Allouch commente l’arrivée sur le tapis rouge des stars et interviewe les équipes des films de la sélection officielle.

    Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • "Le Congrès" d'Ari Folman en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs 2013

    C’est « Le Congrès » d’Ari Folman qui fera l’ouverture de la 45ème Quinzaine des Réalisateurs, un film notamment avec Robin Wright et Harvey Keitel. Ari Folman était en compétition officielle du Festival de Cannes 2008 avec « Valse avec Bachir », un festival dont il était reparti sans récompenses, à la surprise générale. Je vous propose la critique de ce documentaire d’animation d’une effroyable beauté ci-dessous.

    Synopsis du « Congrès »:

    Quand une femme est une mère et une actrice célèbre,

    Quand son fils est malade, que sa beauté se fane,

    Dans un monde qui peut la scanner et la garder jeune pour toujours,

    Quels sont ses choix ?

    Critique de « Valse avec Bachir » – Ari Folman : un documentaire d’animation d’une effroyable beauté

    Je vous ai déjà parlé de ce film à plusieurs reprises, sa diffusion sur Arte hier a été pour moi l’occasion de le regarder à nouveau. Retrouvez ma critique du film, ci-dessous.

    18947035_w434_h_q80.jpg

    Alors qu’il y a quelques jours encore j’évoquais mon peu d’appétence pour le cinéma d’animation, c’est en toute logique que je vais vous faire part aujourd’hui de mon enthousiasme et de mon émotion pour…un film d’animation. Un film d’animation d’un genre très particulier néanmoins. En compétition lors du Festival de Cannes 2008 où il a fait figure de favori, il est reparti sans un prix mais avec un écho médiatique retentissant. C’est donc avec impatience que j’avais attendu sa sortie en salles l’ayant manqué à Cannes.

    18939633.jpgCela commence par la course d’une meute de chiens face caméra. L’image nous heurte de plein fouet : féroce, effrayante, belle et terrifiante. Une meute de chiens par laquelle, dans ses cauchemars, un ami d’Ari est poursuivi. 26 chiens exactement. Le nombre de chiens qu’il a tués durant la guerre du Liban, au début des années 1980, ce poste lui ayant été attribué parce qu’il était incapable de tuer des humains. Il raconte ce cauchemar récurrent à Ari mais ce dernier avoue n’avoir aucun souvenir de cette période, ne faire aucun cauchemar. Le lendemain, pour la première fois, 20 ans après, un souvenir de cette période niée par sa mémoire surgit dans la conscience (ou l’inconscient) d’Ari : lui-même alors jeune soldat se baignant devant Beyrouth avec deux autres jeunes soldats sous un ciel lunaire en feu d’une beauté terrifiante. Il lui devient alors vital de connaître ce passé enfoui, ces pages d’Histoire et de son histoire englouties par sa mémoire. A cette fin, il va aller à la rencontre de ses anciens compagnons d’armes, neuf personnes interrogées au total (dont deux ont refusé d’apparaître à l’écran sous leur véritable identité.) A l’issue de ces témoignages il va reconstituer le fil de son histoire et de l’Histoire et l’effroyable réalité que sa mémoire a préféré gommer…

    Un film d’animation d’un genre très particulier donc. D’abord parce qu’il est autobiographique : cette histoire, le troisième long-métrage du réalisateur (après « Sainte Clara » en 1996 et « Made in Israël » en 2001) est en effet celle du réalisateur israélien Ari Folman pour qui ce film a tenu lieu de thérapie. Ensuite parce que ce sont de vrais témoignages, poignants, et les voix de ces témoins donnent un aspect très documentaire à ce film hybride et atypique : d’abord tourné en vidéo, monté comme un film de 90 minutes, puis un story board en 2300 dessins ensuite animés, c’est un mélange d’animation Flash, d’animation classique et de 3D. Ce mode filmique si particulier n’est nullement un gadget mais un parti pris artistique au service du propos auquel il apporte sa force et sa portée universelle. Un documentaire d’animation sur la guerre du Liban : oui, il fallait oser. Ari Folman s’affranchit des règles qui séparent habituellement documentaire et fiction et dans ce sens, et aussi parce que ce film se déroule également au Liban, néanmoins à une autre époque, il m’a fait penser à l’un de mes coups de cœur du Festival de Cannes 2008 : « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ).

    Dès ces premiers plans de chiens en furie, nous sommes donc happés, happés par la violence sublime des images, ces couleurs noirs et ocre diaboliquement envoûtantes, oniriques et cauchemardesques, happés par une bande originale d’une force saisissante (signée Max Richter), happés par l’envie et la crainte de savoir, de comprendre, nous aussi, en empathie avec la quête identitaire d’Ari. C’est d’abord la beauté formelle et la poésie cruelle qui en émane qui accroche notre regard, notre attention. Cette beauté ensorcelante rend supportable l’insupportable, rend visible l’insoutenable, créant à la fois une distance salutaire avec la violence de ces témoignages et événements réels mais nous aidant aussi à nous immerger dans cette histoire. Si la violence est atténuée, l’émotion ne l’est pas. Ari Folman n’a pas non plus voulu rendre la guerre lyrique mais son lyrisme visuel exacerbe encore l’absurdité de cette guerre, de ces hommes égarés que la peur fait tirer, sans savoir sur qui, et sans savoir vraiment pourquoi.

    Peu à peu, au fil des témoignages, les pièces du puzzle de la mémoire disloquée d’Ari vont s’assembler jusqu’à l’atrocité ultime, celle qui a sans doute provoqué ce trou noir, celle volonté inconsciente d’oublier, de faire taire ses souvenirs de ces jours de 1982 : le massacre de Palestiniens par les Phalangistes chrétiens, les alliés d’Israël, suite à l’assassinat du président de la République libanaise Bachir Gemayel, dans les camps de Sabra et Shatila, deux camps de Beyrouth-ouest, dont il a été le témoin impuissant (il ne nie pas pour autant la responsabilité d’Israël, du moins son inaction coupable). Au dénouement de ce poème tragique, Ari Folman a alors choisi de substituer des images réelles aux images d’animation pour rappeler, sans doute, la réalité de la guerre, sa violence, son universelle absurdité, sa brutalité. Des images d’une violence nécessaire. Qui nous glacent le sang après tant de beauté d’une noirceur néanmoins sublime.

    18939624_w434_h_q80.jpg Plus qu’un film d’animation c’est à la fois un documentaire et une fiction sur la mémoire et ses méandres psychanalytiques et labyrinthiques, sur l’ironie tragique et les échos cyniques de l’Histoire, l’amnésie tragique de l’Histoire-collective- et de l’histoire-individuelle- (si Ari a effacé cette période de sa mémoire c’est aussi parce qu’elle est un écho pétrifiant à l’histoire tragique de sa famille, victime des camps nazis, ceux d’une autre époque, un autre lieu mais avec la même violence et horreur absurdes, presque les mêmes images des décennies après, et horreur ultime : les protagonistes ayant changé de rôle), sur l’absurdité de la guerre que ce film dénonce avec plus d’efficacité que n’importe quel discours. La poésie au lieu de nier ou d’édulcorer complètement la violence en augmente encore l’atrocité : comme ce chant d’une ironie dévastatrice sur le Liban pendant qu’un char écrase des maisons, des voitures, lentement, presque innocemment. Comme cette couleur rouge qui se mue d’un objet anodin en sang qui coule. Ou comme cette valse avec Bashir, celle d’un tireur qui danse avec les balles qu’il tire devant le portrait de Bachir Gemayel sur fond de Chopin, qui joue avec le feu, qui danse avec la mort dans une valse d’une sensualité violente: cette scène résume toute la beauté effroyable de ce film magnifique. Tragique et magnifique. Cette valse est aussi à l’image de la forme de ce film : entraînante, captivante comme si une caméra dansante nous immergeait dans les méandres virevoltants de la mémoire d’Ari.

    Une œuvre atypique qui allie intelligemment forme et force du propos, où la forme, sublime, est au service du fond, brutal. Une valse étourdissante d’un esthétisme d’une effroyable beauté. Une valse fascinante, inventive. Entrez dans la danse, sans attendre une seconde. Elle vous entraînera dans cette histoire, dans l’Histoire, avec une force renversante, saisissante, poignante.

    Alors, oui sans doute le grand oublié du palmarès de ce 61ème Festival de Cannes (qui me satisfaisait néanmoins pleinement), tout simplement peut-être parce que cette œuvre tellement atypique qui invente même un nouveau genre cinématographique (dont elle sera d’ailleurs certainement le prototype et l’unique exemplaire tant une copie lui ferait certainement perdre sa force) ne correspondait à aucune des catégories du palmarès à moins que le jury n’ait pas osé, n’ait pas eu la même audace que celle dont Ari Folman a fait preuve dans son film, une œuvre qui répondait d’ailleurs aux exigences du président Sean Penn témoignant de la conscience du monde dans lequel son réalisateur vit, un monde si souvent absurde et amnésique, enfouissant son Histoire dans les tréfonds de sa mémoire tragiquement et criminellement sélective.

    Catégories : QUINZAINE DES REALISATEURS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer