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  • "Je veux voir" de Joana Hadjithomas er Khalil Joreige, avec Catherine Deneuve: Un Certain Regard...

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    Photos "In the mood for Cannes": L'équipe du film "Je veux voir".

    Alors que dehors des rafales de vent et des pluies torrentielles s’abattent sur la Croisette, je profite de ces quelques minutes de calme pour écrire : un  silence, une pause dans la frénésie cannoise  presque déstabilisante me faisant réaliser que cette vie irréelle ne dure que l’espace de 12 jours et s’achèvera dans ce qui me semble être une délicieuse éternité, que la réalité peut reprendre ses droits, qu’elle le fera. Quelques minutes pour faire un flash-back sur toutes ces images de vie et de cinéma contrastées, fortes dans les deux cas,  lumineuses (dans le premier cas) et sombres (dans le second), oniriques (dans le premier cas) et cauchemardesques (dans le second). Entre apesanteur réelle et pesanteur fictive, écartelée entre des émotions que même la tempête ne balaiera pas, tout juste se fera-t-elle l’écho de leur puissance, de leur violence presque fascinante. Quelques minutes donc pour évoquer la projection de cet après-midi dans la section Un Certain Regard : « Je veux voir » réalisé par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dans lequel « joue » Catherine Deneuve.

    Pitch par l’équipe du film : « Juillet 2006. Une guerre éclate au Liban. Une nouvelle guerre mais pas une de plus, une guerre qui vient briser les espoirs de paix et l'élan de notre génération.  Nous ne savons plus quoi écrire, quelles histoires raconter, quelles images montrer. Nous nous demandons : " Que peut le cinéma ? ".
    Cette question, nous décidons de la poser vraiment. Nous partons à Beyrouth avec une " icône ", une comédienne qui représente pour nous le cinéma, Catherine Deneuve. Elle va rencontrer notre acteur fétiche, Rabih Mroué.  Ensemble, ils parcourent les régions touchées par le conflit. A travers leurs présences, leur rencontre, nous espérons retrouver une beauté que nos yeux ne parviennent plus à voir.  Une aventure imprévisible, inattendue commence alors…. ».

    Lors de la présentation du film au public, Khalil Joreige a déclaré : "Nous sommes très émus de présenter ce film aujourd’hui. Nous remercions Thierry Frémaux et l’équipe du Festival. Pour nous, ce film est une vraie aventure cinématographique qui, vous le verrez, devient de plus en plus intense et surprenante. Nous tenons à remercier Catherine Deneuve pour sa générosité et son audace, pour nous avoir permis de faire ce film." Et Joana Hadjithomas de conclure : "Je dédie cette projection à ceux qui auraient voulu être avec nous : notre équipe, nos familles, nos amis qui n’ont pas pu faire le voyage à cause des derniers événements."

    C’est donc de nouveau en miroir du monde pour reprendre les termes de Steve Mc Queen, le réalisateur de « Hunger » dont je vous parlais avant-hier que se positionne ce film. Un miroir dans lequel se reflètent et s’influencent intelligemment sa beauté et sa laideur, sa vérité et sa mythologie, sa réalité et sa fiction. « Je veux voir » est en effet un film inclassable qui mélange intelligemment fiction et documentaire, un mélange duquel résulte alors une impression troublante qui ne nuit pas au propos mais au contraire le renforce, paradoxalement le crédibilise. Un Certain Regard. Le nom de cette sélection était parfaitement choisi pour accueillir ce film. De regards il y est en effet beaucoup question.  Celui magnétique, troublé, inquiet, empathique, curieux de Catherine Deneuve. Un regard certain, en apparence en tout cas. C’est donc son regard ( elle est tantôt filmée de face, tantôt en caméra subjective) qui guide le nôtre. Le film commence ainsi : Catherine Deneuve est filmée de dos, à la fenêtre, à Beyrouth qu’elle regarde et surplombe. De dos avec cette silhouette tellement reconnaissable, celle de l’icône qu’elle représente pour les cinéastes qui l’ont choisie. Elle dit alors qu’elle veut voir. Elle veut voir les traces de la guerre. Elle veut voir ce qui ne lui paraît pas réel à travers l’écran de télévision (décidément, les films se répondent, troublant écho à celui d’hier).

    Cette rencontre ensuite avec Rabih Mroué qui sera son guide et chauffeur sonne tellement juste, semble tellement éclore sous nos yeux que nous sommes presque gênés d’être là et en même temps captivés. Catherine Deneuve, son personnage, qu’importe, demande si elle peut fumer autant par politesse que pour amorcer une conversation, une complicité, puis elle s’interroge sur le fait que Rabih ne mette pas de ceinture. Il lui explique que depuis la guerre les principes ont un peu volé en éclats. Elle précise qu’elle n’est pas pour l’ordre mais que c’est quand même dangereux. Son visage ne trahit presque aucune émotion et n’en est justement que plus émouvant, de même lorsqu’elle demande pour la deuxième fois si elle peut fumer et reparle de la ceinture de sécurité après un évènement dangereux. Comme si ces propos trahissaient sa peur et la rassuraient, leur réitération les rendant tragiquement drôles. Son ton posé contraste avec l’inquiétude que trahit ses paroles.

    Peu à peu ils s’éloignent de Beyrouth, on leur interdit de filmer, ou le scénario prévoyait qu’on fasse croire qu’on leur interdisait de filmer. Le résultat est le même. Nous ne savons pas. Que ce soit fictif ou réel l’essentiel est que cela soit tellement évocateur. Un avion passe et émet un puissant fracas, comme une bombe que l’on lâcherait. Catherine Deneuve sursaute et pour la première fois ou presque son corps trahit sa peur. Le chauffeur lui explique que l’avion  israélien a passé le mur du son, que le but est juste de faire peur. Rare évocation de la situation politique. Le film est là pour nous permettre de voir, pas pour nous prendre à parti ou expliquer. Juste voir la désolation après et à travers la beauté. Juste pour voir ce contraste violent et magnifique.

    Que ce soit Catherine Deneuve ou son personnage qui sursaute en entendant cet avion, peu importe, la peur se transmet, traverse l’écran, nous atteint, comme le sentiment de désolation de ces carcasses d’acier et de ferrailles que des pelleteuses charrient longuement, symboles de tant de vies et de passés volés en éclat, abattus, piétinés, niés.

    La relation semble se nouer entre les deux personnages ( ?) sous nos yeux , entre les deux êtres ( ?) peut-être, une relation faîte de pudeur, d’intensité créée par la peur, la force de cette rencontre, son caractère unique et son cadre atypique (la scène où il lui dit les dialogues de « Belle de jour » en Arabe, où il en oublie d’être attentif et se retrouve dans un endroit miné est à la fois effrayante et sublime, poétique et terriblement réaliste, l’instant poétique, cinématographique qu’ils vivent renforçant la peur créée par la soudaineté du surgissement d’une terrible réalité, potentiellement fatale). Une relation entre deux réalités, le cinéma et la réalité. Une belle rencontre en tout cas. Comme deux personnages de cinéma. Si réels (nous croyons vraiment à leur relation) et si cinématographique (ils forment sous nos yeux un couple qui pourrait être tellement cinématographique).

     La fin (Catherine Deneuve se rend à une réception en son honneur après cette journée que l’on devine si intense et éprouvante) pourrait être le début d’une fiction, une des plus belles fins qu’il m’ait été donné de voir au cinéma, qui prouve la force d’un regard, un regard décontenancé, un regard ébloui par les lumières d’une fête tellement décalées après celles de la journée, un regard qui cherche la complicité de celui devenu un ami, un regard qui cherche la réalité de ce qu’il a vécu ou ressenti dans celui d’un autre, un regard qui nous embarque dans son tourbillon d’émotions et d’intensité, tandis qu’un officiel obséquieux (non?) évoque « la formidable capacité de résilience des Libanais » comme il évoquerait la pluie et le beau temps. Le regard alors tellement passionné de Catherine Deneuve contraste avec la banalité du discours de ce dernier. Oui, un certain regard. Tellement troublé et troublant et expressif lorsqu’il croise le regard attendu qu’il ouvre une infinitude de possibles, qu’il ouvre sur le rêve, qu’il ouvre sur la puissance du cinéma, des images, d’une rencontre, qu’il ouvre sur un nouvel espoir. "Toute la beauté du monde". Malgré tout.

     La présence presque "improbable" et "onirique" de Catherine Deneuve comme l’ont définie les réalisateurs est à la fois un écho à la beauté du sud et un contraste saisissant avec le spectacle de désolation des paysages en ruine, des vies dévastées.  Elle y apparaît en tout cas magnifique de dignité et de courage. Oui, une belle leçon de dignité et de courage mais aussi de cinéma et d’espoir…

    Un film qui est dramatiquement (encore une fois) d’actualité alors que le Liban vit de nouveau une situation explosive, qui montre ce que l’on regarde parfois sans voir.

    Le mélange si habile de fiction et de documentaire, de mémoire historique et de mythologie cinématographique,  en fait un film, un témoignage aussi, inclassable, captivant, troublant,  jamais didactique, un film que l’on veut voir, et que l’on voudrait revoir, juste pour ce dernier regard échangé…

    Et puis en sortant, je me suis retrouvée à l’extérieur de la salle en même temps que Catherine Deneuve. Moi qui ne le fais jamais (autrement que  lorsque les équipes de films sont sur une scène ou dans une salle de cinéma), j’ai pris une photo. Juste pour immortaliser cet instant. Retenir ce regard. Celui du film ou de la réalité, ou des deux subtilement liés, d’un moment intense en tout cas…

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    Catherine Deneuve à la sortie de la projection de "Je veux voir". Photo "In the mood for Cannes"

    Sandra.M

    Catégories : UN CERTAIN REGARD Lien permanent 2 commentaires Pin it! Imprimer
  • Séance du Président: "The third wave" de Alyson Thompson en présence de Sean Penn

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    Photo "In the mood for Cannes": Sean Penn et Thierry Frémaux
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    Photos "In the mood for Cannes": Thierry Frémaux et Sean Penn

     

     Ma journée d’hier a été particulièrement riche et passionnante avec au programme « Les 3 singes » de Nuri Bilge Ceylan, un habitué de la sélection officielle (« Uzak » en 2003 et « Les climats » en 2006, tous deux déjà présentés en compétition officielle), qui cette année encore n’a pas démérité (mon favori de la compétition pour le moment), ainsi que le premier des 3 films français en compétition "Un conte de noël" d'Arnaud Desplechin, qui entremêle de nouveau famille, religion, amour dans ce conte psychanalytique , mélancolique, myth(olog)ique.

    Les deux films avaient d’ailleurs un point commun puisque dans les deux cas planait l’ombre pesante d’un enfant mort. J’avoue avoir été beaucoup plus sensible au premier, aux plans d’une beauté picturale sidérante, à cette dissection si subtile de l’ambivalence humaine, de la lâcheté, du poids du secret et de la vérité habilement souligné par le poids du silence et des plans contemplatifs dont la beauté somptueuse contraste avec la douleur et les secrets enfouis et latents.

     Mais c’est en toute (il)logique cannoise que je vais commencer par évoquer le troisième évènement de cette journée, à savoir  la Séance du Président, une nouveauté de cette 61ème édition, un film choisi par le Président du jury , en l’occurrence « The third wave », un documentaire de Alison Thompson projeté dans la salle du 60ème dans laquelle régnait hier soir une fébrilité palpable, savoureusement électrique. Thierry Frémaux a d’abord salué la présence de tous les membres du jury, ainsi que de Michael Moore, et de Bono, déjà applaudis à leur arrivée, avant d’appeler sur scène le président du jury Sean Penn, également ovationné.

    Sean Penn, (dont la preuve de l'engagement politique et humanitaire n'est plus à faire d'où la sincérité de la démarche) le visage grave, dont il s’était tout juste départi pour écouter chanter « Freedom » le soir de l’ouverture a évoqué les raisons de son choix : "Ce film m'a énormément marqué émotionnellement. Je n'en dirai pas plus car ce film vous convaincra lui-même par son propos. Vu que les gouvernements nationaux ne semblent pas capables de nous aider, ce film nous indique comment il est possible de nous entraider. Ce film m'a été communiqué par une personne qui a été confrontée directement aux effets du tsunami, Petra Nemcova…"

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     Puis Sean Penn a appelé sur scène la jeune femme en question qui a annoncé avec autant de légèreté apparente qu’elle a été blessée lors du tsunami, que son fiancé y était mort, (« Ce documentaire est très cher à mon cœur, ceci pour deux raisons : parce qu'il s'agit de mon expérience personnelle et parce qu'il est ce en quoi je crois. L'action de ce film se déroule au Sri Lanka juste après le passage du tsunami. J'y ai été confrontée en Thaïlande. Heureusement, je n'ai été que blessée. L'une des choses les plus importantes que j'ai apprises, c'est que dans chaque expérience vécue, il y a du positif et du négatif. Le négatif, c'est que parmi les 100 000 personnes qui ont trouvé la mort dans cette catastrophe, il y avait mon fiancé Simon. Et le positif, c'est que j'ai créé un organisme d'aide à ces populations, le Happy Hearts Fund, auquel bénéficie ce documentaire. Merci beaucoup pour votre générosité.")  et qu’elle était tétanisée à l’idée de venir sur scène mais qu’on l’a rassurée en la disant plus belle que Sean Penn. ( !) C’est cela Cannes : évoquer les pires atrocités du monde, en robe de soirée, parfois une coupe de champagne à la main, en exhibant un air désinvolte astucieusement travaillé, s’en faire l’écho dans un cadre qui en est à l’opposé. Les flashs qui crépitent, l’atmosphère festive, les tenues de soirée paraissent soudain incongrus. Seul le visage toujours grave de Sean Penn  reste en accord avec le thème de la soirée. Puis la lumière s’éteint et nous plonge dans une réalité à des années lumière de Cannes. Cannes reflet d’un monde  dont elle symbolise aussi l’évasion, la négation presque. Cannes et ses éternels paradoxes.

    Pitch : Une histoire de volontarisme : 4 volontaires indépendants avec peu d’argent et inexpérimentés partent pour le Sri Lanka aider le pays ravagé par le tsunami. Le hasard fait qu’ils se rencontrent à l’aéroport de Colombo où ils louent un van, le remplissent avec des provisions et longent la cote pour trouver des gens à aider. Ils arrivent à Peraliya, un village détruit par une vague de 15 mètres, où un train s’est retourné tuant plus de 2500 personnes. Le documentaire suit ces volontaires pendant 19 semaines.

    Après le frisson électrique qui avait parcouru la salle à l’arrivée des invités, c’est peu à peu le malaise qui s’est emparé de moi : malaise devant ces volontaires qui se mettent en scène et qui, au départ, occultent totalement la réalité du drame qu’ils ont sous les yeux pour ne nous montrer que la leur, malaise devant ces images insoutenables de corps mutilés embarqués dans des sacs comme de vulgaires marchandises, malaise devant tous ces drames indicibles dont leur dispensaire se fait le réceptacle, malaise créé par cette réalité du monde qui nous frappe, nous agresse presque, sur cet impitoyable écran, réalité dans laquelle il nous immerge avec violence, encore éblouis par les flashs, encore éblouis et hypnotisés par l’illusion cannoise : celle d’un autre monde, sans heurts, sans drames, sans autres frontières que celles de la Croisette. Cannes, certes miroir éclairant mais aussi aveuglant du monde, au monde.

    Le malaise s’accroît devant l’évocation de « belles journées » par les volontaires, une expression qui résonne comme une tragique ironie après les images insoutenables qui nous sont montrées, jetées à nos regards (dont je constate qu’ils fléchissent si peu dans la salle. Fascination malsaine ? Besoin d’être informés ? Regards blasés et trop habitués, anesthésiés par tant de fictions qui rivalisent d’imagination dans l’horreur et regards devenus insensibles aux horreurs de la réalité qui apparaissent peut-être finalement plus irréelles ?), malaise accru par une musique douce probablement choisie pour atténuer l’horreur ou, effet pervers, pour involontairement la nier.

    Le malaise atteint son paroxysme lorsqu’un enfant dit en souriant qu’il a perdu une bonne partie de sa famille proche, qu’il énumère, et avec fierté (du désespoir, de l’innocence) qu’il est même passé à la radio et la télévision. Images placebo qui donnent une terrifiante illusion de vie. Terrible force des images. L’image interroge soudain son propre rôle comme lorsque le cameraman est pris à parti par une victime. Témoigner, montrer n’est-il pas aussi agir ou simplement s’en persuader, construire une fiction avec la réalité, se définir en héros de sa propre réalité ?

     Mais peu à peu le documentaire prend toute sa dimension. Tournée par une des volontaires, la réalisatrice australienne Alison Thompson, il révèle en effet progressivement toute l’ambigüité de l’aide humanitaire, là aussi toute l’ambivalence humaine.

    Les images de rires des bénévoles, des enfants en apparence joyeux et souriants sont majoritaires dans la première partie comme si une euphorie anesthésiante s’était emparée de chacun, comme si l’horreur était telle que personne ne voulait l’admettre, comme si au contraire cet univers ( de nouveau à sa manière carcéral pour faire un parallèle avec les films évoqués ces jours précédents)  révélait non pas l’inhumanité mais l’humanité en chacun (cette fois à l’inverse des films précédemment évoqués). Et puis, le choc passé, les sentiments matérialistes reprennent leurs droits, la jalousie s’empare des villageois et les bénévoles sont  menacés, victimes de violences exacerbées par la rancœur devant un sentiment d’injustice. Alyson explique ainsi qu’ils reçoivent de l’argent qu’ils donnent, obéissant bien souvent à des choix affectifs : comment faire une échelle dans la douleur ? Devant un membre du village excédé parce qu’ils ont donné de l’argent à des personnes qu’il en estime indigne, Alyson explique alors par le biais d’un schéma, que les « bonnes personnes » et les « mauvaises personnes » sont  à égalité, que les deuxièmes méritent autant l’aide que les premières, sans quoi leur situation sera encore pire qu’elle n’était avant le tsunami.

    Le documentaire, tandis que défilent les noms au générique, se termine par une sorte de « bêtisier » (j’emploie ce terme inexact, exagéré, à dessein),  qui me dérange de nouveau et qui peut être vu soit  comme la volonté d’atténuer l’horreur, de dédramatiser, ou comme le bêtisier d’un blockbuster qui annihilerait alors toute la force du documentaire et le rendrait terriblement cynique, fictionnel.

    Ce documentaire a en tout cas le mérite de refléter  l’ambiguïté des bonnes intentions comme lorsqu’un bénévole déclare qu’il n’est rien chez lui et un Dieu là-bas, et tous évoquent cette « expérience » comme chargée de bons souvenirs, comme ils évoqueraient des souvenirs de vacances. Leur aide n’est finalement pas si gratuite mais peut-on les en blâmer, comme l’évoquera ce même bénévole, ils sont juste humains, et c’est déjà énorme de savoir faire preuve d’humanité.

     Puis l’équipe de bénévoles est invitée  à monter sur scène pour un débat avec la salle, applaudie (en tenue de soirée, comme toute équipe de film qui se respecte, seulement là, créant une distance, apparentant de nouveau la réalité à une fiction dont ils seraient les héros).

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    Un drame en chasse malheureusement un autre et surtout le pouvoir émotionnel des images en chasse d'autres : Alyson annonce qu’elle part pour la Birmanie. On pourrait penser que l’orgueil dicte cette révélation mais son visage angélique qui ne sourcille pas et sa détermination forcent l’admiration.

     Une jeune femme dans l’assistance propose alors de donner une enveloppe et que chacun y fasse un don pour l’association, reflétant ainsi les dangers du sentimentalisme aveugle et aveuglé contre lequel met finalement aussi en garde le documentaire. Si j’étais cynique (non, non) je dirais que chacun courait alors après une nouvelle palme d’or : celle de la preuve irréfutable de son altruisme.  Contre toute (son) attente, les volontaires  refusent son aide pécuniaire, expliquant que s’engager c’est d’abord « balayer devant sa propre porte » et que s’engager humainement est beaucoup plus efficace. La jeune femme range son enveloppe, les trémolos dans sa voix, et ses « bonnes », mélodramatiques,, naïves (peut-être) ou démagogiques (peut-être) intentions.

    Et puis, nous ressortons, la Croisette scintille de mille feux. Le Sri Lanka, la Birmanie, la Chine sont tragiquement irréels, lointains, inaccessibles à nos regards hypnotisés d’irréalité cannoise.

    Le temps me manque pour vous parler d’ « Un conte de noël » et des « 3 singes » mais j’y reviendrai.  Je reviendrai également sur ce documentaire dont je n’ai pu vous parler que brièvement, il m’aurait fallu aussi plus de temps et de recul pour évoquer ce sujet sensible, c’est pourquoi je souhaiterais y revenir. En attendant aujourd’hui Jia Zhangke et Woody Allen sont à mon programme…

    A suivre sur « In the mood for Cannes ».

    Sandra.M

    ps: Pardon d'avance pour les éventuelles imprécisions et fautres dans cet article que je n'ai pas le temps de relire...

    Catégories : HORS COMPETITION, SEANCES SPECIALES Lien permanent 2 commentaires Pin it! Imprimer
  • Ouverture d"Un Certain Regard: "Hunger" de Steve Mc Queen

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    L'équipe de "Hunger" saluée par "Thierry Frémaux", sur scène, à l'issue de la projection, photo "In the mood for Cannes"

    C’est avec des applaudissements d’impatience que la salle a accueilli Thierry Frémaux venu  pour ouvrir cette sélection Un Certain Regard 2008. Le festivalier n’aime pas attendre, toujours affamé de l’instant d’après, du film d’après, de l’émotion d’après qu’il ingurgitera et occultera déjà dans l’espoir de la suivante. Après s’être excusé d’avoir été retardé par un panda (à Cannes, nous avons pour principe de trouver l’incongru normal), un panda donc, après avoir salué la présence de Sergio Casttellito dans la salle (membre du jury longs-métrages), après avoir salué les membres du jury de la caméra d’or, avoir fait un clin d’œil aux Cahiers du Cinéma en évoquant les difficultés que connaît actuellement le journal (en saluant Jean-Michel Frodon, membre du jury de la Caméra d’or), le tout sans vraiment reprendre son souffle, après avoir ironisé sur le fait d’avoir Steve Mc Queen et Fassbinder pour ce 61ème festival (respectivement noms du réalisateur du film et d’un de ses interprètes principaux qui se nomme en réalité Fassbender),Thierry Frémaux a appelé sur scène le Steve Mc Queen en question venu présenter son premier film qui concourt ainsi pour la caméra d’or. A peine ce dernier avait-il eu le temps d’évoquer le "miroir du monde" que représente le cinéma que Thierry Frémaux a lancé la projection interrompant un discours réduit à une phrase.

    Après « Blindness » ce film "Hunger" en ouverture d’un Certain Regard,  en est à la fois l’écho et le contraire, donnant le ton  réaliste et politique, radical et sombre, carcéral même ( dans les deux cas des hommes se retrouvent face à l'inhumanité et dans un univers carcéral) de cette 61ème édition. C’’est en effet un film d’une radicalité éprouvante qui a été choisi pour faire l’ouverture d’Un Certain Regard mais avec aussi peu de didactisme que "Blindness" en faisait preuve avec excès, avec tellement de force de conviction que Blindness en était dépourvu .

    Pitch : Prison de Maze, Irlande du Nord, 1981. Raymond Lohan est surveillant, affecté au sinistre Quartier H où sont incarcérés les prisonniers politiques de l'IRA qui ont entamé le "Blanket and No-Wash Protest"   (une couverture pour seul vêtement et l’abandon de l’hygiène de base) pour témoigner leur colère. Détenus et gardiens y vivent un véritable enfer. Le jeune Davey Gillen vient d'être incarcéré. Il refuse catégoriquement de porter l'uniforme réglementaire car il ne se considère pas comme un criminel de droit commun. Rejoignant le mouvement du Blanket Protest, il partage une cellule répugnante avec Gerry Campbell, autre détenu politique, qui lui montre comment passer des articles en contrebande et communiquer avec le monde extérieur grâce au leader Bobby Sands qu'ils croisent lors de la messe dominicale. Lorsque la direction de la prison propose aux détenus des vêtements civils, une émeute éclate. Au cours des échauffourées, les prisonniers détruisent les cellules neuves où ils avaient été installés. La rébellion est matée dans le sang. La violence fait tache d'huile et plus aucun gardien de prison n 'est désormais en sécurité. Raymond Lohan est abattu d'une balle dans la tête. Bobby Sands s'entretient alors avec le père Dominic Moran. Il lui annonce qu'il s'apprête à entamer une nouvelle grève de la faim afin d'obtenir un statut à part pour les prisonniers politiques de l'IRA. La conversation s'enflamme. Malgré les objections du prêtre, qui s'interroge sur la finalité d'une telle initiative, Bobby est déterminé : la grève de la faim aura lieu ...

    Lors de la conférence de presse du jury Sean Penn a déclaré que « Quel que soit notre choix pour la palme d’or, il y a une chose sur laquelle nous sommes tous d’accord : nous devons être certains que le cinéaste concerné est tout à fait conscient du monde dans lequel il vit ». Si « Hunger » avait été dans la compétition que juge le jury présidé par Sean Penn nul doute qu’il se serait inscrit dans cette catégorie. Si quelques phrases nous présentent le contexte historique en préambule, « Hunger » a en effet une portée universelle et intemporelle, et une résonance tragiquement actuelle.

    C’est d’abord le silence qui nous frappe, la violence latente, contenue, sous-jacente annoncée par des mains blessées jusqu’au sang qu’un gardien lave aussi méthodiquement qu’il enlevait quelques miettes tombées sur ses genoux quelques instants auparavant. Le malaise est d’ores et déjà palpable puis Mc Queen nous plonge progressivement dans l’univers carcéral avec ces hommes au regard  hagard, traqué et fou de détermination.

    La violence est soulignée par des sons stridents qui alternent avec des silences assourdissants, des souffles entrecoupés. Les scènes de violence sur les prisonniers, frénétiques, bruyantes, alternent avec des plans immobiles encore plus violents que les premiers par l’écho cynique qu’ils en donnent alors.

     Si j’ai  aussi comparé "Hunger" avec « Blindness », c’est parce que les silences sont ici plus éloquents que la voix off si tonitruante dans « Blindness », c’est parce que tout est dit tout en ne disant rien, c’est parce que la violence, radicale, n’est jamais gratuite ou autrement là que pour servir le propos, nous montrer ses hommes asservis par leurs bourreaux et par eux-mêmes, guidés par un idéal plus fort que l’emprisonnement et la vie.

     Réaliste et onirique (une plume, un flocon de neige, un insecte témoignent du regard sensible du plasticien que Mc Queen est d’abord).  Bruyant et silencieux. Violent et idéaliste. Silencieux et si parlant. Mc Queen joue des contrastes avec un talent saisissant comme ces longs plans fixes qui augmentent encore l’impact du surgissement de la violence (et la crainte de ce surgissement), et l’impact du propos.

     Le temps me manque pour vous parler de ce film aux accents loachiens dans son propos et sa force de conviction mais singulier dans sa mise en forme, révélant  par le regard pourtant si humain du cinéaste une inhumanité glaciale et glaçante : celle de la répression impitoyable des prisonniers politiques que la froideur de la réalisation parsemée de moments d’onirisme souligne intelligemment.

     Au bout de ce long tunnel se trouve une lueur dans un regard d’enfant, la lumière du jour, un souffle qui s’éteint et un autre qui proclame sa rage de vivre, de se battre, qui valaient la peine d’endurer ce film (pour le spectateur) et ce combat pour ses protagonistes semble nous souffler Mc Queen.

    Il ne serait pas étonnant que la radicalité signifiante et l’âpreté de « Hunger »  plaisent au cinéaste Bruno Dumont, véritable écho à son propre cinéma.  A suivre lors de l'annonce du palmarès Un Certain Regard samedi de la semaine prochaine...

    Au programme aujourd’hui, notamment la projection du très attendu « Un conte de noël » d’Arnaud Desplechin.

    Sandra.M

    Catégories : UN CERTAIN REGARD Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • "In the mood for Cannes" élu blog du jour par L'Oréal

    356480301.JPGDe nouveau cette année L'Oréal organise un concours de blogs consacrés au Festival de Cannes : "In the mood for Cannes" a l'honneur d'être le premier blog séléctionné blog du jour ce 15 Mai, voir ici: http://www.lorealcannes.fr/index02.asp?ev=Accueil&action_id=1-932466401&offerid=1-932466421 . (catégorie "Les blogs-reporters", catégorie blog du  jour "le 15 Mai")

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     Ci-dessous (tout en bas), L'Oréal à l'hôtel Majestic: parce que moi aussi je le vaux bien!

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    Catégories : CONCOURS Lien permanent 1 commentaire Pin it! Imprimer
  • "In the mood for Cannes" sur Le Monde.fr

    29968809.gifEn attendant la suite de mes pérégrinations cannoises avec deux films au programme aujourd'hui, vous pouvez retrouver "In the mood for Cannes" sur le site internet du journal Le Monde, ici: http://www.lemonde.fr/cannes/boite-a-blogs/766360.html

    Ajout du 21.05.2008: Suite à un problème technique, le flux rss d'In the mood for Cannes, n'est plus accessible sur Le Monde.fr. Espérons que ce problème sera bientôt résolu...

    Catégories : IN THE MOOD FOR CANNES DANS LES MEDIAS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Cérémonie et film d’ouverture du 61ème Festival de Cannes en direct: du rêve à la réalité

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    Les marches vues d'en haut, photo "In the mood for Cannes" 2008
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    Le sésame pour la cérémonie d'ouverture

    Ne trouvez-vous pas que les songes et les mythes et les rêves d’enfance, parfois, paraissent plus réels que la réalité ? Dans les miens il y avait cette cérémonie d’ouverture que je regardais toujours, quoiqu’il arrive, les yeux écarquillés, avides de la moindre inflexion de ton, du moindre regard troublé, ému, désarçonné que la caméra captait, scrutait, dévorait, décuplait dans cette salle dont le souffle semblait suspendu le temps de cet étrange, solennel, mythique protocole. Ouverture de cette fenêtre elle-même ouverte sur le monde, sur un océan de possibles, de rêves, d’utopies, d’imprévus,  de découvertes et d’audaces cinématographiques, d’instants de cinéma et de vie langoureusement, dangereusement, magnifiquement entremêlés. Dans mes rêves d’enfance, l’émotion ressentie à cet instant par les 2300 privilégiés présents dans cette salle, antre du septième art, point de mire des cinéphiles et amateurs de cinéma du monde entier, devait  être indicible. J’ai alors réalisé toute la force du gros plan, de l’émotion cinématographique que la réalité ne sait pas toujours égaler mais qu’elle saisit avec parcimonie, avec plus de sincérité peut-être.

     A peine arrivée à Cannes, émergeant à peine de la réalité, le festival m’emportait dans son tourbillon frénétique et surréaliste, un éminent festivalier ( qui se reconnaîtra et que je remercie de nouveau) me proposait une invitation pour la cérémonie d’ouverture et je me retrouvais face à mes rêves d’enfance, après cet « étrange rituel  venu du Sud » pour paraphraser Edouard Baer. Alors que derrière mon écran j’imaginais que les cœurs devaient battre la chamade avant cet instant cinématographique historique qui ouvre 12 jours de festivités cinéphiliques (pas seulement certes) , dans la réalité la léthargie semblait s’être emparée des festivaliers tandis que la montée des marches se poursuivait diffusée sur les écrans à l’intérieur de la salle. Pourtant quand le générique du festival a égrené ses quelques mythiques notes, enfin alors cette musique a agi comme une réminiscence de mes souvenirs de ce festival, vécus réellement depuis mon premier festival il y a 8 ans, ou à travers mon regard d’enfant fasciné, intrigué, happé. A peine le temps de savourer un léger frisson d’émotion qu’Edouard Baer apparaîssait sur scène avec sa désinvolture élégante, son ironie faussement nonchalante, son humour décalé et sa gravité légère, son « heart full of love » aux accents shakespeariens. Il nous a parlé de fierté  et d’ arrogance là où elles sont d’ailleurs l’arme et la défense des festivaliers, si orgueilleusement exhibées. Puis, il nous a parlé du labyrinthe de David Lynch dans lequel j’ai d’ores et déjà envie de m’égarer et il a remercié Cannes pour avoir « kidnappé le grand fracas du monde au profit des beautés singulières ». Sans doute une des plus belles définitions de ce festival qui donne en effet un écho sans pareil aux fracas du monde et qui aspire de plus en plus à s’en faire l’écho retentissant (il suffit de voir le caractère politique, social de la majorité des palmes de ces dernières années). La palme d’or 2008 du jury présidé par Sean Penn s’inscrira-t-elle dans cette lignée ? Réponse dans 11 jours.

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    Sean Penn "à la barre", photo "In the mood for Cannes"

    Puis, Sean Penn, la voix fragilisée par l’émotion est intervenu brièvement, précisant  que lui et son jury « feraient de leur mieux », que Cannes a toujours sélectionné de grands films et surtout que cette année serait un « nouvel épisode du festival de Cannes », qu’il était là avant tout pour « transmettre des lettres d’amour à certains de ces films ». Enfin il a fait appel aux distributeurs pour qu’ils soutiennent les films qui ne recevront pas de prix. Le visage de Sean Penn était empreint de gravité et d’émotion contenue, probablement conscient que son rôle, par cet écho retentissant donné à un cinéaste, un thème, un fracas parmi tant d’autres est davantage que cinématographique.

    Il faudra Richie Havens pour donner un très relatif air de Woodstock au festival, un air de liberté, et un air plus léger à Sean Penn. La salle esquisse quelques battements de main. L’émotion à peine éclose est interrompue par Claude Lanzmann (présence symbolique, est-ce là le symbole de ce nouvel « épisode » du Festival, reflet des fracas du monde, des fracas passés, dont ceux du présent se font les échos sinistres et cyniques ?) et son monologue interminable, ses phrases entrecoupées, les quelques sifflements de la salle et applaudissement ironiques. Alors qu’on aurait eu envie de légèreté, il a évoqué la « lourde charge de faire exister ce festival », « d’en accroître le rayonnement, évènement unique et incomparable de la planète cinéma ». Unique et incomparable, nous l’aurions presque oublié. J'ai alors regardé les visages à la dérobée. J'ai réalisé que j'étais dans cette salle avec ces 2299 autres privilégiés. J'ai réalisé que s’ouvrait cette parenthèse enchanteresse, parfois désenchantée. J'ai réalisé que j'étais à Cannes. J'ai réalisé que si le cinéma ou l’écran sublimaient la réalité, ils n’ont jamais eu autant d’imagination, parfois cruelle mais aussi parfois sublime, que cette dernière. J'ai réalisé que je n’avais pas envie de choisir entre le rêve et la réalité. Cela tombe bien, Cannes est l’endroit idéal pour feindre l’aveuglement, pour feindre de se perdre dans cette douce (pas toujours) illusion.

    Et cela tombe bien de nouveau car c’est également d’aveuglement (au sens propre comme au sens figuré), de cécité dont aspirait à nous parler le film d’ouverture également en compétition officielle « Blindness » de Fermando Mereilles. (« La Cité de Dien », « The Constant Gardener »).

    2144627589.jpgPitch : Le pays est frappé par une épidémie de cécité qui se propage à une vitesse fulgurante. Les premiers contaminés sont mis en quarantaine dans un hôpital désaffecté où ils sont rapidement livrés à eux-mêmes, privés de tout repère. Ils devront faire face au besoin primitif de chacun : la volonté de survivre à n’importe quel prix. Seule une femme (Julianne Moore) n’a pas été touchée par la « blancheur lumineuse ». Elle va les guider pour échapper aux instincts les plus vils et leur faire reprendre espoir en la condition humaine.

    L’impression qui domine à l’issue de ce film est l’agacement. L’agacement devant un film qui semble là seulement pour justifier la phrase et la morale simplistes  qui le sous-tendent, (en résumé : les voyants sont aveugles à la beauté du monde, à leur « bonheur »,  et l’aveuglement leur rend la vue, et en annihilant les différences visuelles, abat les préjugés …) d’ailleurs annoncées dès les premières minutes. Annoncé d’emblée le discours en perd toute sa force. Une nouvelle société carcérale s’instaure (soulignée lourdement à force de plans de visages derrière des grillages) où la dignité est piétinée pour survivre. Malgré l’ignominie de ce que ses protagonistes vivent le cinéaste a néanmoins eu recours au hors-champ, au fondu au blanc( !) pour épargner notre regard ou peut-être créer une empathie avec l’aveuglement dans lequel sont plongés les personnages, ce qui au lieu de nous immerger dans leur intériorité, crée une nouvelle distanciation ( déjà initiée par la multiplicité des personnages et leur manque de caractérisation).  Une voix off grandiloquente qui semble sortie d’un blockbuster contre lequel semble pourtant vouloir s’inscrire le cinéaste, surligne grossièrement le propos et apporte un classicisme qui détone avec le parti-pris (finalement faussement) moderne et radical du film. Les personnages n’existent pas (avant même d’être déshumanisés il aurait été bien qu’ils soient déjà humanisés) si bien que nous n’adhérons pas à leur déshumanisation, à leur passage à l’animalité  et encore moins à leur retour à la vie, à la condition humaine, au regard potentiellement rempli de préjugés que l’aveuglement était censé leur avoir ôté. Un hymne à la différence finalement aveugle à celle-ci. Un film  redondant, didactique, qui sous-estime l’intelligence du spectateur, qui s’égare et nous égare par la prétention de son discours dont il n’arrive pas à la hauteur, aveuglé par celui-ci.  Mereilles se prend pour Ionesco sans avoir le talent à l’échelle immense de la gravité du propos mais « Blindness » n’est pas « Rhinocéros », évidemment pas. Relisez plutôt ce dernier.

    La salle a froidement accueilli le film dont je serais très surprise qu’il figure au palmarès…même s’il pourrait s’inscrire dans la lignée de certains « Grand Prix » pour la radicalité du propos. Est-ce là la marque de ce « nouvel épisode »  du Festival de Cannes qu’a évoqué Sean Penn et que souligne peut-être la présence de Claude Lanzmann? A suivre au prochain épisode sur « In the mood for Cannes ».

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    Photo du Jury (ci-dessus) par "In the mood for Cannes"
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    Vous pouvez revoir la cérémonie d'ouverture sur l'excellent site de Canal plus consacré à ce 61ème Festival: cliquez ici.

    Sandra.M

    Catégories : OUVERTURE (cérémonies/films) Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer