Pour en savoir plus sur ce blog et sa créatric: CV, contact, partenariats ...
Mon bilan du Festival de Cannes 2009 : l’étourdissante nostalgie d’une étreinte brisée
Cannes n’est déjà plus qu’une rumeur lointaine, qu’un brouhaha étouffé par l’actualité arachnéenne qui tisse sa toile dévoreuse et impitoyable, pourtant, il y a à peine une semaine que le Festival de Cannes s’achevait et avec lui 13 jours d’une tornade dévastatrice qui me laissent encore nostalgique, éblouie, incrédule, étourdie, mélancolique comme après une almodovarienne étreinte brisée, mais aussi enrichie d’illusions magnifiques, ou magnifiquement tragiques.
Nostalgique après ces 13 jours qui, dans ma mémoire, déjà, se teintent de noir et blanc tant ils semblent appartenir à une mythologie cinématographique. Tant le temps semblait glisser au lieu de s’écouler. Tant tout paraissait joyeux, idyllique, désinvolte, léger. Tant c’était agréable de jouer à l’être le temps d’un festival.
Comment, d’ailleurs, ne pas être nostalgique après 13 jours aussi intenses dont je n’ai pu et voulu retranscrire qu’une infime part ici? Comment ne pas être nostalgique après 13 jours où réalité et fiction n’ont cessé de s’entrelacer, s’enlacer même au point de se confondre, me duper parfois même? Comment ne pas être nostalgique après 13 jours de rencontres improbables et magiques, cinématographiques et humaines? Comment ne pas être nostalgique après ce qui était pour moi un 9ème Festival de Cannes et sans nul doute le meilleur...jusqu'à présent? Comment ne pas être nostalgique quand la déroutante réalité a repris ses droits ? Comment ne pas être nostalgique quand, à trop tutoyer les étoiles, on en oublie que même elles, meurent un jour, que l’éblouissement peut-être trompeur, voire fatal ?
Incrédule tant ce festival semble s’être évanoui comme un songe qui procure une douloureuse et parfois illusoire beauté à ces instants aussi magiques qu’éphémères. De projections en soirées, de l’ouverture à la clôture, de rencontres magnifiques en retrouvailles trop vite esquissées ou d'autres insensées démontrant l’imagination d’une beauté et d’une violence cruelles et sans bornes de la réalité, de la vertigineuse salle du Théâtre Lumière à la luminosité d’une Croisette insolemment radieuse, de la projection jubilatoire d’ « Inglourious Basterds » à ma journée ludique et princière avec l’équipe L’Oréal, de ces instants festifs et joyeux avec les autres blogueurs, de l’inénarrable projection du magistral et nerveux « Prophète » de Jacques Audiard à la leçon de cinéma des frères Dardenne, de la plage Miramar à la plage Majestic 62, de la plage du Martinez aux coulisses du Grand Journal, du 3 :14 à la villa Murano, d'un documentaire d'une poésie rageuse à des films mis en scène avec une maestria sidérante, de la voix ensorcelante de Bryan Ferry à l'enthousiasme communicatif de Quentin Tarantino, de la gravité légère d'Edouard Baer à l'exubérance mélancolique de Pedro Almodovar, de voitures officielles en limousines, de la salle du soixantième à la salle Bunuel, tant d’instants indicibles gravés dans ma mémoire, tant d’instants où lueurs et bruits incessants vous troublent, déguisent la réalité, transportent.
Etourdie comme après un rêve dont le réveil est parfois douloureux mais dont l’état semi-comateux dans lequel il vous laisse anesthésie agréablement les pensées aussi confuses et troublantes soient-elles. Etourdie comme après une danse endiablée qui ne vous laisse le temps de reprendre ni votre souffle ni vos esprits ni de saisir la (dé)mesure de l’instant.
Moi que l’actualité passionne habituellement, je me suis surprise à ne même pas ouvrir un journal pendant ces 13 jours si ce n’est le quotidien du Film Français, bible du festivalier. Cannes plus que jamais cette année pour moi a été une sorte de bulle où rien d’autre ne semblait exister, où le monde s’arrêtait aux portes de la Croisette et tournait autour du palais des festivals. Le cinéma m’environnait, m’absorbait, procurait des reflets éblouissants à la réalité. Bien sûr tout était, comme toujours, excessif et dérisoire. J’ai juste feint de l’ignorer. Bien sûr la crise n’était pas bien loin : les plages étaient cette année deux fois moins nombreuses, de même que les affiches de film qui ornent habituellement les façades, certaines sociétés comme la Paramount étaient d'ailleurs pour la première fois absentes de la Croisette, le cinéma américain était ainsi peu présent sur la Croisette… Qu’importe: Cannes, le temps de ce festival, nous a donné une illusion d’éternité. Comme ces deux amants magnifiques surpris et immortalisés en pleine étreinte dans « Voyage en Italie » de Rossellini qu’Almodovar cite dans ses « Etreintes brisées ».
Emportée par le tourbillon cannois, cette année plus que jamais, je regrette juste de n’avoir vu aucun film de la section Un Certain Regard où chaque année je fais les plus belles découvertes cinématographiques et de n’avoir vu qu’un film de la Quinzaine des Réalisateurs. Ma soif de découvertes cinématographiques n’a pas été étanchée, ce festival l’a même intensifiée…
J’évoquais il y a quelques jours mes pronostics avec un bref avis sur chaque film en compétition (voir article ici), j’y évoquais aussi ce que représente depuis quelques années une palme d’or cannoise, le message qu’elle adresse au monde, le reflet qu’elle souhaite donner de ses espoirs, ses blessures, ses craintes, ses désirs, ses désordres, sa folie, de ses rêves… même si depuis quelques années les rêves n’ont plus leur place dans un palmarès et surtout une palme d’or qui se veut avant tout engagée et sociale, ce qui sans doute éloignait d’office le film de Quentin Tarantino qui, pourtant, certes est un film de divertissement qui s’assume comme tel mais montre aussi un visage de la barbarie, étonnamment et tristement actuel à l’image du film de Haneke « Le ruban blanc », palme d’or de cette édition 2009, sans doute d’apparence (d’apparence seulement) plus cinéphilique (En lisant ma critique d’ “Inglourious Basterds” en cliquant ici vous constaterez à quel point ce film est celui d’un cinéphile pour les cinéphiles) et en tout cas plus austère. A la définition de l'art(iste) d'Anatole France "L'artiste doit aimer la vie et nous montrer qu'elle est belle. Sous lui, nous en douterions", le palmarès a préféré celle de Rodin "L'art est la plus sublime mission de l'homme puisque c'est l'exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre." Sans doute cette "machine de vérité" qu'évoquait la présidente du jury de ce 62ème Festival de Cannes, Isabelle Huppert, en ouverture... mais le cinéma ne peut être que cela, n'est heureusement pas que cela, même si cet autre pan du cinéma a été ignoré cette année par le palmarès cannois (mais aussi, il faut le dire, par sa sélection).
Cette année, plus que jamais la compétition cannoise avait à son générique de grands réalisateurs qui, néanmoins, souvent , n’ont pas réalisé leurs meilleurs films et j’avoue que cette année aucun film ne m’a enthousiasmée comme « Entre les murs » de Laurent Cantet, « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, « La frontière de l’aube » de Philippe Garel, « Le silence de Lorna » des frères Dardenne, « Two lovers » de James Gray, « Valse avec Bachir » d’Ari Folman ou « Vicky Cristina Barcelona » de Woody Allen, l’année passée. (Vous pouvez trouver les critiques de tous ces films sur ce blog).
Cette année aucune thématique n’a été mise en exergue, si ce n’est la mise en abyme, comme si le cinéma, tel Narcisse, se mirait dans son reflet, à s’y noyer, pour oublier, s’oublier, se rassurer, à nous y perdre délicieusement, et dangereusement parfois aussi. On retrouve bien sûr, notamment dans “Un prophète” et “A l’origine” la thématique carcérale beaucoup plus présente l’an passé (avec de nombreux plans derrière une vitre, un grillage etc), témoignage d’un monde qui étouffe et peine à respirer mais ce dont a surtout témoigné ce cru 2009: c’est de la rassurante diversité du cinéma mondial (et l’étonnante inventivité, audace du cinéma asiatique ou de "jeunes" cinéastes comme Alain Resnais !) malgré une austérité, et même une radicalité, une violence assez prégnantes au-delà des disparités géographiques et cinématographiques, plaie béante qui semble dépasser les frontières. On a aussi observé cette année davantage de grandes mises en scènes (Almodovar, Tarantino, Resnais…) que de grands scénarii…
Mais pour l’heure, je vais essayer de comprendre et analyser les émotions ravageuses de ce festival, loin de la violence et / de l’éclat parfois trompeurs des images, loin de l'éblouissement cannois, loin de la frénésie carnassière, loin de l’urgence rageuse cannoise qui fait que les mots jetés à la va-vite trahissent parfois les pensées, et ne les traduisent pas toujours avec justesse et avec le recul nécessaire pour apprécier chaque instant à sa juste et (dé)mesurée valeur…
J’en profite aussi pour vous donner rendez-vous au Festival du Cinéma Américain de Deauville qui fêtera cette année ses 35 ans, prochain grand rendez-vous festivalier que vous pourrez suivre en direct sur mes blogs (avant-premières, films en compétition, soirées, conférences de presse…) et auquel j’assisterai pour la 17ème année consécutive… mais en attendant vous pourrez retrouver sur ce blog de nombreuses critiques de films , en avant-première, à l'affiche ou de classiques du septième art mais aussi des nouvelles...
A suivre : notamment ma critique de « Map of the sounds of Tokyo » d’Isabel Coixet (compétition officielle 2009)





J’ai déjà souvent évoqué ici ma vision du Festival de Cannes (
Ne vous méprenez pas: malgré la noirceur, ou plutôt la lucidité du tableau, j’y vais avec un enthousiasme inégalé, une curiosité insatiable pour le cinéma et la vie qui s’y entremêlent, s’y défient et entrechoquent, étrangement et parfois même sublimement, l’espace d’un inestimable instant, lequel instant sublime, à lui seul, éclipse alors le souvenir amer de la foire aux vanités que Cannes est aussi. C’est en effet parfois le culte du dérisoire qui y devient essentiel mais qui, à y regarder de plus près, le révèle aussi, si bien ou si mal, cet essentiel.
Et puis, à peine arrivée, savoureusement éblouie et réjouie par les premiers rayons du soleil tant attendus qui caresseront mon regard assoiffé de lumière et de celles du cinéma, j’irai me perdre dans la foule si pressée et atypique du festival qui mieux que nulle autre sait être passionnément exaltée et aussi impitoyable avec la même incoercible exaltation, chercher mon badge, précieux sésame tant honni pour leur être inaccessible pour certains (heureux ignorants de l'insondable hiérarchie festivalière), fièrement exhibé par ses 28600 possesseurs (25000 professionnels, 3600 journalistes) et puis ce seront les retrouvailles avec ceux que j’ai le plaisir d’y croiser chaque année, et puis l’ouragan cannois va m’emporter dans son ivresse cinéphilique et festive, probablement me faire oublier que cela ne durera pas toujours, que la vie ne peut pas toujours ressembler à un tel cinéma , que cette extravagance n’est qu’à Cannes une quotidienneté, que la vraie vie peut aussi être ailleurs, que Cannes n’est pas le centre du monde et le monde à lui tout seul, juste le monde cinématographique, et encore 12 jours seulement, avec ses excès, ses instants magiques, ses instants réellement irréels, où un peu comme Anconina dans « Itinéraire d’un enfant gâté » on ne cesse d’être surpris, de s'acharner à ne pas le paraître, même si d'autres sont vraiment blasés, tristement: valse troublante des apparences que Cannes exhale et exhibe, adore et abhorre. Cannes décidément si versatile et éclectique. Itinéraire d’enfants gâtés donc. Oui, à Cannes, nous sommes tous des enfants gâtés, capricieux qui oublions le lendemain, qui oublions que tout doit finir un jour, que la vie ne peut être une fête et un spectacle et une histoire et une nuit sans fin. Même les films de Fellini ou Kusturica seraient (presque) des symboles de sobriété à côté de l’irréalité cannoise : inénarrable aventure, cinématographique. Emotionnelle, surtout.
J’ai bien entendu d’ores et déjà envie de voir « Changeling »-L’échange - de
J’essaierai aussi évidemment de voir un maximum de films de la compétition officielle pour vous en dresser un tableau d’ensemble mais n’oubliez pas que Cannes est lui-même un excellent film qui fait son propre cinéma où rien ne se passe jamais comme prévu. Par ailleurs, il n’est pas exclu que le wifi très sollicité ne fonctionne pas dès le premier soir mais, soyez-en certains, même avec un peu de retard, je n’oublierai pas de vous immerger « in the mood for Cannes ».