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COMPETITION OFFICIELLE - Page 8

  • Critique- A l'affiche – LES NOUVEAUX SAUVAGES (Relatos salvajes) de Damián Szifron (Compétition officielle du Festival de Cannes 2014)

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    Aux antipodes du (passionnant) film qui a reçu la palme d’or du Festival de Cannes 2014, « Winter sleep » de Nuri Bilger Ceylan,  en compétition officielle de ce 67ème Festival de Cannes figurait également « Les nouveaux sauvages » (Relatos salvajes) réalisée, écrit et monté par l’Argentin Damián Szifron. L’un résonne comme un long poème d’une beauté triste et déchirante, l’autre comme une réplique cinglante d’un comique grinçant, d’une drôlerie lucide et sombre. Revenu bredouille de Cannes, « Les Nouveaux sauvages » figure parmi les cinq films en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger, notamment face au percutant plaidoyer contre le fanatisme de Sissako, plus que jamais d’actualité : « Timbuktu » (que je vous engage toujours vivement à voir).

    Les Nouveaux sauvages est un film sur ceux qui, soumis au stress, à l’inégalité, à l’injustice, ou peut-être simplement confrontés à leur propre vulnérabilité et médiocrité, humiliés parfois, finissent par craquer, et franchissent la frontière entre l’humanité et l’animalité, la civilisation et la barbarie comme le laisse déjà entendre le générique très « animal ».

    Dans le restaurant dans lequel elle travaille, une serveuse voit arriver  un client qui est responsable de la mort de son père. Sur une route déserte, un conducteur vaniteux au volant de sa voiture rutilante en insulte un autre au volant de son véhicule brinquebalant avant que le premier ne tombe en panne et ne se retrouve confronté au second, impitoyable. Un spécialiste des explosifs voit sa voiture être emmenée à la fourrière, manque l’anniversaire de sa fille à cause de cela, et devient obsédé par l’envie de se venger de cette administration sourde et, pour lui, inique. Un fils de riches, sous l’emprise de l’alcool, renverse, tue une femme enceinte, et s’enfuit. Un riche mariage va se transformer en massacre quand la mariée va découvrir que son mari l’a trompée avec une des convives.

    Genre un peu suranné, à la mode dans les années 1960, le film à sketchs est ici remis au goût du jour au point d’avoir suscité l’intérêt des frères Almodóvar qui l’ont produit.

    Damián Szifron, dans ses six saynètes aux cadres et personnages hétéroclites mais aux thématiques récurrentes, explore le thème de la vengeance poussé à l’extrême jusqu’à la folie, jusqu’au meurtre. Incapables de communiquer normalement, ses personnages ont une réaction animale, violente, absurde face à ce monde lui-même grotesque. En résulte un humour noir détonant, scabreux,  subversif, férocement drôle et qui n’échappe pas toujours à la vulgarité. A l’image de la réalisation, classique et lisse en apparence, les personnages en apparence « normaux » se révèlent particulièrement déjantés, sombres et brutaux.

    Si les références au cinéma d’hier ne manquent pas, notamment au cinéma italien: Dino Risi, Fellini ou encore Spielberg dans une version très personnelle de « Duel », c’est pourtant bien de notre société exigeante, sourde,  brusque, versatile (les réseaux sociaux ne sont pas épargnés faisant d’un terroriste une star) dont nous parle ici Sifron dans ces six sketchs indéniablement efficaces, à défaut d’être subtiles (certes, à dessein, pour obtenir ce contraste évoqué plus haut).

    Le film atteint ses limites dans cette idée de base, le contraste entre la forme (du film et des personnages) et le fond qui révèle une société corrompue, où l’argent règne en maitre, des personnages tous médiocres, vils, répondant à leurs bas instincts qui entraînent certes parfois notre rire, souvent le malaise, mais jamais notre empathie.  Mais il s’agit bien là avant tout de parodie et de caricature dont l’objectif intrinsèque est davantage de déranger, heurter, interpeller que de plaire et séduire au contraire de la BO particulièrement séduisante. A vous de voir si vous voulez partir à la rencontre de ces nouveaux sauvages parfois réjouissants, parfois dérangeants au risque d’être confrontés à votre propre réalité et sa noirceur exacerbées.

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  • Retrouvez mon bilan du Festival de Cannes 2014 dans CLAP, nouveau magazine de cinéma

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    Longtemps, dès l'âge de 11 ou 12 ans, je pense, j'avais un rendez-vous hebdomadaire incontournable, aller acheter en kiosques les Première, Studio, et Positif (que je continue d'ailleurs à acheter de temps à autre). Allez savoir pourquoi, pour les deux premiers, j'ai cessé il y a trois ou quatre ans. Sans doute en raison d'internet qui pose un évident problème d'adaptation temporelle et d'immédiateté, sans doute aussi parce que je n'y retrouvais pas l'originalité de point de vue et les articles de fond que je recherchais.

    C'est ainsi le parti pris de ce nouveau magazine de cinéma "Clap", financé par le site participatif Ulule ayant rapidement atteint puis dépassé l'objectif fixé pour son financement.

    L'objectif du magazine lancé par Romain Dubois est ainsi défini sur le site Ulule : "Lancer la revue cinéma du futur. Nous souhaitons faire entendre aujourd’hui une voix différente et INDEPENDANTE que nous ne retrouvons pas dans la presse cinématographique actuelle. La voix de notre génération, le magazine que nous aimerions lire. Nous croyons au renouvellement de la presse cinéma autour d'une cinéphilie moins universitaire, moins poussiéreuse et plus ouverte sur tous les genres de cinéma autant que sur les séries ! Clap! s’intéresse à tous les cinémas sans préjugés : du blockbuster aux films d’auteur, des classiques de l'Age d'or hollywoodien aux films pop-corn des années 80, de la Série B au film d'animation.  A son cœur purement ciné viendra également s'ajouter un large cahier critique dédié aux séries. Vous l’aurez compris, le but est de n’exclure aucun genre, parler de TOUT, avec passion, précision et ouverture d’esprit.  Chaque numéro sera composé de longues interviews de grands cinéastes, acteurs, techniciens : ceux qui font le cinéma. Mais l'essence même de Clap! sera son dossier d’une vingtaine de pages, dans lequel chacun des rédacteurs exprimera son point de vue sur un thème commun, intemporel ou au contraire en lien avec l’actualité brûlante. Dans les deux cas, le dossier sera écrit avec l’exigence d’une approche inédite, d’un retour aux sources, d’une analyse précise, décalée, sérieuse : ce que le sujet dictera ! Exemples :  Qui est l’héritier légitime d’Hitchcock ?  La guerre du Viêtnam au cinéma. Hollywood n'a-t-il plus rien à dire ? L’animation : de Méliès à Pixar. Ceux qui ont fait l’Age d’Or hollywoodien. La mort de la grande SF.Et parce qu'il y a mille façons d'en parler, Clap! a décidé de rassembler le meilleur du web au sein de sa revue. Enfin un collectif de passionnés du ciné qui promet de tout dire, tout couvrir, pour le meilleur et pour le pire. Ont déjà rejoint la Clapteam : les excellentes plumes d’EastAsia & In the Mood for Cinéma,  qui auront leur rubrique rien qu’à eux !".

    Je suis vraiment ravie d'écrire dans ce premier numéro (et dans les suivants) pour lequel j'ai choisi d'écrire le bilan du Festival de Cannes 2014 (raison pour laquelle je ne l'ai pas publié ici cette année). Pour le lire, il vous faudra donc acheter Clap (liste des points de vente, ici) ou vous abonner, là. A lire dans ce 1er numéro: un excellent article sur David Fincher, la rencontre avec Naomi Kawase et beaucoup d'autres choses. Bonne lecture! Vos avis sur le magazine sont bien sûr les bienvenus. Je transmettrai...

    Suivez-moi aussi sur http://inthemoodlemag.com et http://inthemoodforfilmfestivals.com.

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  • Critique de SILS MARIA d'Olivier Assayas - Compétition officielle

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    Synopsis: À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l'autre côté du miroir, dans le rôle d'Helena...

     Olivier Assayas est un habitué de la Croisette. Il y revient ainsi après Demonlover (sélection officielle en 2002), Clean (prix d'interprétation féminine pour Maggie Cheung en 2004) et Carlos (présenté hors compétition en 2010).

     Le serpent de Maloja est un étirement en bande de nuages bas observé en automne. Il s'allonge de Sils Maria à Silvaplana allant jusqu’à St Moritz et laisse encore aujourd'hui les spécialistes perplexes de lorsque  les vents de l'Engadine, des vents de nuit à courant descendant, s'observent en plein jour. Ce serpent métaphorise le film: sinueux, fascinant, trouble, troublant.

    Le cinéma n'est bien sûr pas avare de films sur le cinéma, celui-ci présente d'ailleurs des similitudes avec l'un de ses illustres prédécesseurs, "Eve". Le deuil dès les premières minutes place le film sous une couleur sombre. Le début du déclin pour cette actrice pourtant encore dans la force de l'âge?

    Le film s'oriente ensuite sur  les rapports troubles et troublants  entre Maria et Valentine, à la fois répétitrice, assistante, (amie?), entre envie, jalousie et altruisme.

    Puis, c'est le passé qui ressurgit, un rôle emblématique dans la carrière d'une actrice, marquée par celui-ci, qui se confond avec celui-ci.

    Chaque scène est alors empreinte de gravité, de profondeur, de multiples sens, et le jeu même de la comédienne se prête à de multiples interprétations, la frontière entre la pièce et la réalité étant constamment et de plus en plus floue. Le film en devient aussi palpitant que ludique et, un peu à l'image de sa prestation magistrale dans "Copie conforme", Juliette Binoche joue de telle façon qu'elle brouille nos repères. Les scènes dans la montagne où tout semble alors pouvoir survenir sont d'une tension rare. Un rôle qui pourrait valoir à Juliette Binoche à nouveau le prix d'interprétation qui ne serait nullement usurpé.

    Et un grand film  très ancré dans son époque, sa violence médiatique, un film sur l'étanchéité des frontières entre l'art et la vie, et l'implacable violence du temps qui passe. Un film au charme vénéneux, un jeu de miroirs et de reflets mélancolique, envoûtant et brillant au propre comme au figuré. Et réellement fascinant. Ou quand la vie devient un art... Et une révélation: Kristen Stewart, d'une justesse remarquable.

    Complément - Critique de "Copie conforme" de Kiarostami

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    « Copie conforme » est le premier film du cinéaste iranien tourné hors de ses frontières, un film qu'il a écrit pour Juliette Binoche.

    Face à James (William Shimell), un écrivain quinquagénaire anglo-saxon qui donne en Italie, à l'occasion de la sortie de son dernier livre, une conférence ayant pour thème les relations étroites entre l'original et la copie dans l'art elle est une jeune femme d'origine française, galeriste qu'il rencontre. Ils partent ensemble pour quelques heures à San Gimignano, petit village près de Florence. Comment distinguer l'original de la copie, la réalité de la fiction ? Ils nous donnent ainsi d'abord l'impression de se rencontrer puis d'être en couple depuis 15 ans.

    Selon James, lors de sa conférence,  une bonne copie peut valoir un original et tout le film semble en être une illustration. James et la jeune femme semblent jouer à « copier » un couple même si la réponse ne nous est jamais donnée clairement. Peut-être est-elle folle ? Peut-être entre-t-elle dans son jeu ? Peut-être se connaissent-ils réellement depuis 15 ans ? Ce doute constitue un plaisir constant pour le spectateur qui devient alors une sorte d'enquêteur cherchant dans une phrase, une expression une explication. Il n'y en aura pas réellement et c'est finalement tant mieux.

    Ainsi Kiarostami responsabilise le spectateur. A lui de construire son propre film. Les personnages regardent souvent face caméra en guise de miroir, comme s'ils se miraient dans les yeux du spectateur pour connaître leur réelle identité. « Copie conforme » est donc un film de questionnements plus que de réponses et c'est justement ce qui le rend si ludique, unique, jubilatoire. Le jeu si riche et habité de Juliette Binoche, lumineuse et sensuelle, peut ainsi se prêter à plusieurs interprétations.

    Un film qui nous déroute, un film de contrastes et contradictions, un film complexe derrière une apparente simplicité. A l'image de l'art évoqué dans le film dont l'interprétation dépend du regard de chacun, le film est l'illustration  pratique de la théorie énoncée par le personnage de James. De magnifiques et longs plans-séquences, des dialogues brillants, une mise en scène d'une redoutable précision achèvent de faire de ce film en apparence si simple une riche réflexion sur l'art et sur l'amour.

    William Shimell (chanteur d'opéra dont c'est le premier rôle) et Juliette Binoche excellent et sont aussi pour beaucoup dans cette réussite. Un film sur la réflexivité de l'art  qui donne à réfléchir. Un dernier plan délicieusement énigmatique et polysémique qui signe le début ou le renouveau ou la fin d'une histoire plurielle. Un très grand film à voir absolument. Un vrai coup de cœur.

    « Copie conforme » est le 9ème film présenté à Cannes par Kiarostami qui a par ailleurs été membre du jury longs métrages  en 1993, du jury de la Cinéfondation en 2002 et Président du jury de la Caméra d'Or en 2005. Enfin, il a  remporté la Palme d'Or en 1997 pour "Le goût de la cerise."

    Juliette Binoche raconte ainsi sa rencontre avec Kiatostami: "Je suis partie en Iran rencontrer Abbas (je l'avais croisé à Cannes, à l'Unesco, chez Jean-Claude Carrière). Il m'a dit "Viens à Téhéran !". Je l'ai cru, j'y suis allée, deux fois. Un soir il m'a raconté l'histoire que nous avons tourné ensemble cet été, il m'a raconté chaque détail, le soutien-gorge, le restaurant, l'hôtel, bref, il m'a dit que c'était une histoire qui lui était arrivée. A la fin, après avoir parlé pendant 45 minutes dans un anglais impeccable, il m'a demandé : "Tu me crois ?". Je lui ai dit : "Oui". Il m'a dit : "Ce n'est pas vrai !". Je suis partie d'un éclat de rire qui lui a donné envie de faire ce film, je crois !", explique-t-elle.

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  • Critique de MOMMY de Xavier Dolan

     

    Mommy, c’est Diane Després (Anne Dorval), surnommée…Die (l’ironiquement bien nommée), une veuve qui hérite de la garde de son fils, Steve, un adolescent TDAH impulsif et violent (Antoine-Olivier Pilon). Ils tentent de surmonter leurs difficultés, notamment financières. Sur leurs routes, ils vont trouver Kyla (Suzanne Clément), l’énigmatique voisine d’en face, qui va leur venir en aide.

    Il y a des films, rares, singuliers, qui possèdent ce supplément d’âme ineffable, qui exhalent cette magie indicible (la vie, au fond,  cette « vitalité » dont Truffaut parlait à propos des films de Claude Sautet, on y revient…) qui vous touchent en plein cœur, qui vous submergent d’émotion(s). Au-delà de la raison. Oui, c’est cela : un tourbillon d’émotions dévastatrices qui emportent notre raison avec elles. Comme un coup de foudre…Un coup de foudre cinématographique est comme un coup de foudre amoureux. Il rend impossible toute raison, tout raisonnement, il emporte notre rationalité, nous transporte, nous éblouit, et nous donne une furieuse envie d’étreindre le présent et la vie. Et de croire en l’avenir.

    La situation vécue par Diane et son fils est âpre et chaotique mais Xavier Dolan l’auréole de lumière, de musique et d’espoir. Dès les premières minutes, avec ces éclats de lumière et du soleil qui caressent Diane, la magie opère. Xavier Dolan nous happe dans son univers pour ne plus nous lâcher jusqu’à la dernière, bouleversante, seconde. Un univers éblouissant, étourdissant, dans la forme comme dans le fond qui envoûte, électrise, bouleverse, déroute. En un quart du seconde, il nous fait passer du rire aux larmes, mêlant parfois les deux, mêlant aussi l’emphase et l’intime (il n’est finalement pas si étonnant que Titanic  soit un de ses films de prédilection) avec pour résultat cette émotion, ce mélodrame poignant, poétique, fougueux, étincelant, vivace. Débordant de vie.

    Certaines scènes (nombreuses) sont des moments d’anthologie, parfois à la frontière entre (mélo)drame et comédie. Il y a  notamment cette scène onirique qui raconte ce que la vie aurait pu être « si » Steve n’avait pas été malade et qui m’a bouleversée. Que peut-il y avoir de plus bouleversant que de songer à ce que la vie pourrait être « si »…? Ou encore cette scène où, dans un karaoké, si fier, Steve chante Andrea Bocelli, sous les quolibets, et alors que sa mère a le dos tourné, nous faisant éprouver avec lui la douleur qu’il ressent alors, la violence, contenue d’abord, puis explosive.

    Mommy, c’est donc Anne Dorval qui incarne avec une énergie débordante et un charme et un talent irrésistibles cette mère révoltée, excentrique et pudique, exubérante, malicieuse, forte et blessée qui déborde de vitalité et surtout d’amour pour son fils. Suzanne Clément, plus en retrait, mal à l’aise avec elle-même (elle bégaie) et la vie,  est tout aussi touchante et juste, reprenant vie au contact de Diane et son fils, comme elle, blessé par la vie, et communiquant difficilement. Ces trois-là vont retrouver l’espoir au contact les uns des autres, se charmer, nous charmer. Parce que si le film raconte une histoire dramatique, il déborde de lumière et d’espoir. Un film solaire sur une situation sombre, à la fois exubérant et pudique, à l’image de Diane.

    Le film ne déborde pas seulement de lumière et d’espoir mais aussi d’idées brillantes et originales comme le format 1:1 qui n’est pas un gadget ou un caprice mais un vrai parti pris formel qui crée une véritable résonance avec le fond (Xavier Dolan l’avait déjà utilisé sur le clip College Boy d’Indochine en 2013) sans parler de ce format qui se modifie au cours du film (je vous laisse découvrir quand et comment, scène magnifique) quand l’horizon s’élargit pour les trois protagonistes.  Par ce procédé et ce quadrilatère, le visage -et donc le personnage- est au centre (tout comme il l’est d’ailleurs dans les films de Claude Sautet, et si Un cœur en hiver est mon film préféré, c’est notamment parce que ses personnages sont d’une complexité passionnante). Grâce à ce procédé ingénieux, rien ne distrait notre attention qui en est décuplée.

    Les films de Xavier Dolan, et celui-ci ne déroge pas à la règle, se distinguent aussi par une bande originale exaltante, entraînante, audacieuse, judicieuse, ici Céline Dion, Oasis, Dido, Sarah McLachlan, Lana del Rey ou encore Andrea Bocelli. Un hétéroclisme à l’image de la folie joyeuse qui réunit ces trois êtres blessés par la vie qui transporte littéralement le spectateur.

    Bien sûr plane l’ombre d’Elephant de Gus Van Sant mais ce film et le cinéma de Xavier Dolan en général ne ressemblent à aucun autre.  Sur les réseaux (a)sociaux (je repense à cette idée de Xavier Dolan -qui, comme Paolo Sorrentino et Pedro Almodovar, dans le cadre du Festival Lumière, comme le veut désormais la tradition du festival, a été invité à tourner sa version de « La sortie des usines Lumière »,- qui a choisi de demander à ses acteurs d’un jour de se filmer eux-mêmes pour montrer le narcissisme et l’égoïsme des réseaux dits sociaux), certains critiquent la précocité de Xavier Dolan encensée par les médias. Sans doute de la jalousie envers son indéniable talent. D’ailleurs, plus que de la précocité, c’est une maturité qui m’avait déjà fascinée dans Les amours imaginaires. Je m’étais demandée comment, à 21 ans, il  pouvait faire preuve d’autant de perspicacité sur les relations amoureuses. Je vous recommande au passage Les amours imaginaires, cette fantasmagorie pop et poétique sur la cristallisation amoureuse, sur ces illusions exaltantes et destructrices, sublimes et pathétiques, un film enivrant et entêtant comme… un amour imaginaire.

    Mommy est le cinquième film, déjà, de Xavier Dolan. C’est d’autant plus fascinant qu’il ne se « contente » pas de  mettre en scène et de diriger, magistralement, ses acteurs mais qu’il est aussi scénariste, monteur, producteur, costumier. Ici, il ne joue pas (en plus de tout cela, c’est aussi un très bon acteur), se trouvant trop âgé pour le rôle d’Antoine-Olivier Pilon qui crève d’ailleurs littéralement l’écran et dont le personnage, malgré ses excès de violence et de langage, emporte la sympathie du spectateur.

    Vous savez ce qu’il vous reste à faire (le film est encore à l’affiche) si vous voulez, vous aussi, ressentir les frissons savoureux procurés par le poignant Mommy de Dolan, fable sombre inondée de lumière, de musique, de courage, quadrilatère fascinant qui met au centre son antihéros attachant et sa mère dans un film d’une inventivité, maturité, vitalité, singularité,  émotion rares et foudroyantes de beauté et sensibilité. Un coup de foudre, vous dis-je.

     

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  • Critique de THE SEARCH de Michel Hazanavicius - Compétition officielle

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    Synopsis: Le film se passe pendant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999. Il raconte, à échelle humaine, quatre destins que la guerre va amener à se croiser. Après l’assassinat de ses parents dans son village, un petit garçon fuit, rejoignant le flot des réfugiés. Il rencontre Carole, chargée de mission pour l’Union Européenne. Avec elle, il va doucement revenir à la vie. Parallèlement, Raïssa, sa grande sœur, le recherche activement parmi des civils en exode. De son côté, Kolia, jeune Russe de 20 ans, est enrôlé dans l’armée. Il va petit à petit basculer dans le quotidien de la guerre.

    The Search est le remake des "Anges marqués", un film de 1948 réalisé par Fred Zinnemann dont Montgomery Clift tenait le rôle principal. Alors que ce film retraçait l’histoire d’un soldat américain tentant d’aider un garçon à retrouver sa mère dans le Berlin de l’après-guerre, Michel Hazanavicius a transposé le récit à la seconde guerre de Tchétchénie qui débute en 1999.

     Deux raisons principales font de "The Search" un film à voir absolument: le choc du plan-séquence par lequel le film débute et  la révélation d’un acteur qui y crève l’écran (Maxim Emelianov).Sans doute certains seront-ils surpris par ce virage radical après "The Artist" mais ils retrouveront la muse du réalisateur, Bérénice Béjo.

     Le film raconte deux histoires parallèles, l'une qui relève presque du documentaire, terrible et palpitante: celle d'un jeune homme qui se retrouve enrôlé dans une terrible armée (la Russie) et le destin d'une petit garçon qui a assisté au massacre de ses parents. Ou l'innocence pervertie. L'effet miroir décuple l'émotion et rend le dénouement d'autant plus poignant, d'une beauté et d'une force redoutables. Les nombreux témoignages sur lesquels s'est basé sur cinéaste pour écrire le film lui apportent de la crédibilité et de l'émotion.

    Une démonstration implacable sur le pouvoir de la guerre à broyer les hommes. Une nouvelle réussite.

     

     

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  • Critique de DEUX JOURS, UNE NUIT de Jean-Pierre et Luc Dardenne - Compétition officielle

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    Synopsis: Sandra, aidée par son mari, n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu’elle puisse garder son travail.

     Si Marion Cotillard avait déjà montré toute l'amplitude dans son talent dans un autre films présenté à Cannes en compétition ("De rouille et d'os" de Jacques Audiard), elle crève ici littéralement l'écran dans ce sublime portrait de femme fragile et téméraire. Physiquement transformée mais aussi admirablement dirigée (ce n'est pas un scoop que de dire que les Dardenne sont d'exceptionnels directeurs d'acteurs.) elle est pour beaucoup dans l'empreinte que nous laisse ce film grave et lumineux, ancré dans notre époque et intemporel. Elle pourrait bien entendu prétendre à un prix d'interprétation.

    Avec ce thriller social qui est aussi un conte (cruel), les Dardenne prouvent une nouvelle fois l'étendue de leur imaginaire et de leur talent. Ils arrivent à nous surprendre avec la répétition intrinsèque au sujet, à créer un suspense haletant. Filmée au plus près, en gros plan, le plus souvent, c'est comme toujours le personnage, l'humain qui est au centre, a fortiori ici puisqu'il s'agit pour le personnage de retrouver une dignité, une identité.

    Après deux Palmes d’or (pour "Rosetta" et pour "L’enfant") et un Grand Prix du Jury pour "Le Gamin au vélo", les Dardenne pourraient être les premiers à décrocher trois fois la récompense suprême avec ce film, une nouvelle fois, au cœur de la réalité sociale.

    Un film poignant qui évite toujours l'écueil du pathos, un film illuminé par une actrice qui n'a pas fini de révéler toute la palette de son talent et qui, ici, fascine, éblouit dans le rôle de cette femme qui s'accepte, retrouver son identité, et demande à ses anciens collègues de répondre à un terrible dilemme: la morale  ou la raison. Magistral.

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  • Critique de MAPS TO THE STARS de David Cronenberg - Compétition officielle

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    Synopsis: A Hollywood, la ville des rêves, se télescopent les étoiles : Benjie, 13 ans et déjà star; son père, Sanford Weiss, auteur à succès et coach des célébrités; sa cliente, la belle Havana Segrand, qu’il aide  à se réaliser en tant que femme et actrice.
    La capitale du Cinéma promet aussi le bonheur sur pellicule et papier glacé à ceux qui tentent de rejoindre les étoiles: Agatha, une jeune fille devenue, à peine débarquée, l’assistante d’Havana et le séduisant chauffeur de limousine avec lequel elle se lie, Jerome Fontana, qui aspire à la célébrité.
    Mais alors, pourquoi dit-on qu’Hollywood est la ville des vices et des névroses, des incestes et des jalousies ? La ville des rêves fait revivre les fantômes et promet surtout le déchainement des pulsions et l’odeur du sang.

    Deux films mettent cette année le cinéma au centre de leur intrigue. Cannes affectionne les mises en abyme. Celle-ci ne pourra laisser indifférente. Julianne Moore, remarquable, y incarne une actrice cruelle, ravagée par l’ambition et craignant plus que tout de l’être par les années dans cette plongée lucide et cynique dans l’envers du décor d’Hollywood.

     Maps to the stars marque ainsi la cinquième participation de David Cronenberg au Festival de Cannes, après Crash en 1996, Spider en 2002, A History of Violence en 2005 et Cosmopolis en 2012. Il fut par ailleurs Président du Jury en 1999. Il retrouve ici Robert Pattinson, avec qui il avait précédemment collaboré dans Cosmopolis (cf ma critique plus bas).

     Ce film cynique exhale pourtant une poésie désenchantée notamment grâce aux vers de Paul Eluard, tirés de son poème Liberté. Corrosif, lucide, satirique, cynique, poétique, fantastique, réaliste, cruel, ancré dans son époque et intemporel, subversif, doté d'un scénario redoutable saupoudré d'un humour noir qui l'est tout autant, avec ce film choral en forme de portrait d'un microcosme cinématographique incestueux Cronenberg (ou son actrice principale, d'une cruauté effroyable?) pourrait bien figurer au palmarès. Un film singulier à voir absolument.

    COMPLEMENT:

    Critique de "Cosmopolis" de David Cronenberg

    Aujourd'hui, "Cosmopolis" a divisé les festivaliers, les uns étant agacés par cette logorrhée jugée absurde, les autres fascinés par cette brillante allégorie sur notre époque. Je faisais plutôt partie de la seconde catégorie affectionnant les films comme celui-ci qui font confiance au spectateur même si pas forcément adaptés à un Festival de Cannes où une actualité chasse l’autre, où le temps est plus celui de la réaction excessive et immédiate que celui de la réflexion.

    Robert Pattinson y interprète Eric Packer dans une ville de New York en ébullition, alors que l’ère du capitalisme touche à sa fin. Eric Packer, golden boy de la haute finance, s’engouffre dans sa limousine blanche, coupée des bruits et du tumulte du monde extérieur. Alors que la visite du président des Etats-Unis paralyse Manhattan, Eric Packer n’a qu’une seule obsession : une coupe de cheveux chez son coiffeur à l’autre bout de la ville. Au fur et à mesure de la journée, le chaos s’installe, et il assiste, impuissant, à l’effondrement de son empire. Il est aussi certain qu’on va l’assassiner. Quand ? Où ? Il s’apprête à vivre les 24 heures les plus importantes de sa vie.

    A l’image de son personnage principal, le film de David Cronenberg (axé avant tout sur les dialogues, quasiment intégralement repris de l’œuvre éponyme dont il est l’adaptation) ne cherche pas à tout prix à être aimable ni à faire de cette adaptation de l’œuvre réputée inadaptable de Don Delillo un film grand public et facilement accessible. Le film nous tient à distance (de la réalité et des émotions) comme l’univers froid et aseptisé du véhicule d’Eric Packer le tient à distance du monde extérieur. La limousine est son univers mental, fou, déréglé où il additionne les rencontres comme les chiffres sur son compte en banques : avec froideur et cynisme.

    Dans ce monde où l’argent règne en maître, la sensibilité est anesthésiée et Robert Pattinson est la vraie découverte (qui aurait misé sur lui pour un tel rôle ?) et il fallait sans doute la folie géniale de Cronenberg pour y penser. Sa beauté froide se prête parfaitement au cynisme et à la cruauté de son personnage exacerbés par sa jeunesse éclatante : il passe de la maîtrise à l’abandon et la folie, ou parfois expriment les trois expressions en même temps avec une apparente facilité déconcertante. La réalisation précise, glaciale de Cronenberg renforce l’impression de voir un être déshumanisé et désespéré, la triste et lucide représentation de golden boys insensibilisés, coupés de la réalité mais aussi d’une époque insensibilisée.

    « Cosmopolis » est un film déroutant, parfois agaçant, mais fascinant et passionnant par sa réalisation et son interprétation glaciales, cliniques, glaçantes et impressionnantes. Métaphore d’une époque paranoïaque, cynique, à la fois rassasiée de désirs et avide de désirs, « Cosmopolis » se regarde comme une œuvre abstraite, absconse diront certains. Une œuvre en tout cas.

     

     

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  • Critique de MR. TURNER de Mike Leigh

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    Ici, Timothy Spall interprète le peintre Turner. Sans doute certains trouveront-ils qu’il cabotine ou que son jeu est maniéré, sans doute des intimes du peintre Turner qui savent mieux que quiconque qu’il ne se comportait pas ainsi, lequel, rappelons-le, est décédé en 1851. Simplement Timothy Spall a-t-il décidé d’esquisser, de composer un personnage tout comme, pour esquisser le portrait de Turner, Mike Leigh a dessiné une suite de saynètes/toiles d’une beauté renversante, éblouissante, captivante malgré la longueur du film, recourant à une lenteur finalement judicieuse pour nous  faire apprécier cet artiste comme un tableau qui n’offre pas d’emblée toutes ses richesses au regard mais se dévoile peu à peu, à l’image de cet éléphant à peine visible au premier regard sur cette toile de Turner.

    Le film et le personnage se construisent de paradoxes : entre l’extrême sensibilité que cet homme met dans son art et la rudesse de ses manières, entre les tourments qu’il exprime dans ses toiles et ceux qu’il ne parvient pas à exprimer autrement, réussissant à peindre les tempêtes qui s’agitent sur les océans et dans son crane mais jamais à les expliciter. Mike Leigh s’est concentré sur les dernières années de l’existence du peintre britannique qui fut un artiste reconnu, membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts,  vivant entouré de son père (qui fut aussi son assistant), et de sa dévouée (c’est un euphémisme) gouvernante (fantastique Dorothy Atkinson).

    Un tableau d’autant plus intéressant que, au-delà de sa saisissante beauté picturale, le parallèle est évident entre l’artiste peintre et l’artiste cinéaste, en particulier lorsque celui-ci subit les sarcasmes de l’establishment. Toute relation avec la réalité serait évidemment purement fortuite. Mike Leigh nous éclaire sur le travail de Turner tout en ne cherchant pas à rendre sympathique cet homme sombre et parfois même repoussant et glacial ou en tout cas incapable de s’exprimer autrement qu’au travers de ses toiles ou par des borborygmes « inhumains ». 

    Ce film nous laisse avec le souvenir de peintures et de plans qui se confondent, en tout cas d’une beauté à couper le souffle, et le souvenir  de ce premier plan étincelant avec ce soleil prometteur, ce moulin, ces deux paysannes qui marchent  en parlant flamand tandis que seul et/ou isolé (Turner fait lui-même la distinction entre la solitude et l’isolement, sans doute ressent-il la première sans être victime du second), en marge de la toile/de l’écran le peintre s’adonne à son art, comme un miroir de celui qui le portraiture pour le cinéma (des « Ménines » de Velasquez version 21ème siècle, finalement).

    Un film et un personnages à la fois âpres, rudes et sublimes d’une belle exigence dans les nuances des âmes autant que dans celles des teintes et des peintures.

    Un prix d'interprétation en perspective pour Timothy Spall? Il serait indéniablement mérité!

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  • Critique de SAINT LAURENT de Bertrand Bonello et conférence de presse- Compétition officielle

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    Synopsis: 1967 - 1976. La rencontre de l'un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.

    Le film de Bonello est avant tout un film de contrastes:  judicieux contraste de couleurs par lequel il débute. Nous le découvrons de dos à la réception d’un hôtel se présentant sous un nom d’emprunt et puis de dos dans une atmosphère blafarde, cafardeuse. Un homme dans l’ombre. Un homme et ses zones d’ombre.  L’artiste face à ses démons.

    Un film qui alterne entre envolées créatrices et scènes superflues, entre de trop rares moments de grâce et des moments de vacuité, qui confond parfois mélancolie et ennui, porté néanmoins par la composition nuancée et époustouflante de Gaspard Ulliel et surtout celle d’Helmut Berger (qui domine, et de loin, la distribution), et par la beauté de l’art de Saint Laurent.

    Le film reste un hommage créatif au génie mélancolique qu'était Saint Laurent mais aussi un défilé de scènes inégales si bien que là où les hallucinations et les excès permettaient à Saint Laurent de donner vie à des modèles sublimes, le désordre dans le montage du film se perd et nous perd parfois. Mais reste la composition des acteurs et les moments de grâce précités qui valent le détour. Vraiment.

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     Quelques phrases retenues de la conférence de presse :

    Bonello n’a pas vu le film de Jalil Lespert (que j’avoue lui avoir préféré).

    « Ce qui nous intéressait, c’est de montrer le travail, ce sont les couturières qui ont créé les costumes du film qui sont à l’écran »,

    « Le projet était très antérieur au film de Lespert qui a eu le soutien ferme et définitif de  Bergé » (Eric Altmayer, le producteur),

    « Ce 2ème film nous a libérés des contraintes du biopic traditionnel pour aller dans la vérité de ce qu’on voulait faire ».

    Jérémie Rénier a également fait part de son admiration en voyant Gaspard Ulliel composer son personnage, « Quand le texte est si beau, l’acteur n’a qu’à s’incliner devant les mots » (Amira Casar),

    « Plus qu’un biopic, c’est une odyssée dans la tête du créateur » (Gaspard Ulliel), 

    « Saint Laurent a une fragilité dans la voix qui ne devait pas se transformer en faiblesse » (Bonello), « J’avais la volonté de faire avancer le film par contrastes pour donner du relief et l’âme du personnage » (Bonello),

    « Je tenais à tourner en 35 mm pour offrir une richesse sur les couleurs et textures".

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  • Festival de Cannes 2014 – Episode 3 : Egoyan, Amalric, Ceylan, Bonello, Ulliel, Truffaut, Depardieu et les autres

    Pour une meilleure lisibilité de cet article, rendez-vous sur mon nouveau site consacré aux festivals de cinéma: http://inthemoodforfilmfestivals.com

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    Un soleil insolent s’est installé sur la Croisette et exacerbe le sentiment d’irréalité procuré par le doux écoulement des journées au rythme des projections qui s’enchaînent à tel point que j’enrage de n’avoir pas le temps de vous en parler comme je le souhaiterais. Un peu éblouie par ce soleil mais plus encore par les lumières du cinéma qui, à Cannes, se font plus étincelantes et éclatantes qu’ailleurs, j’en retiens des images disparates, presque psychédéliques, comme celles qui émaillent parfois le film de Bertrand Bonello sur Yves Saint Laurent projeté dans le cadre de la compétition de ce 67ème Festival de Cannes.

    Le cinéma à forte dose abolit les frontières entre les mondes et les époques et je me demande si je ne suis pas comme la Cecilia de « La Rose pourpre du Caire » de Woody Allen et si les personnages de fiction traversent réellement l’écran ou si ces instants ne sont que le fruit de mon imaginaire dans ce doux refuge que sont les salles obscures de ce festival. Ainsi, après avoir revu le chef d’œuvre de Truffaut « Le dernier métro » (quel plaisir que de le visionner à nouveau dans le cadre de Cannes Classics cet après-midi), quelques heures plus tard, son (magistral) acteur principal lisait devant moi un texte de Khalil Ghibran de sa voix inimitable, au milieu d’une prestigieuse assemblée qui retenait son souffle, alors qu’il peinait  à retrouver le sien tout juste descendu de son hélicoptère. (Thierry Frémaux, quelques minutes auparavant, craignait qu’il ne vienne finalement pas, et en a ainsi signalé l'arrivée entendue depuis la salle du 60ème où se déroulait l'évènement).

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     En fait, je ne souhaite pas savoir si tout ceci est réel ou rêvé, simplement que le songe se poursuive et maintienne la réalité en sommeil, quelques jours encore. Voilà ce que j’ai retenu de ces deux derniers jours en quelques mots, en attendant des développements et critiques dignes de ce nom. Pour pouvoir aller voir « The Homesman » de Tommy Lee Jones dans quelques heures (et l’apprécier), c’est donc seulement en chiffres, émotions, couleurs, pensées, citations,  images, que je vous livre un petit résumé de ces deux jours :

    -3 heures et 16 minutes. Telle est la durée du film de Nuri Bilge Ceylan "Winter sleep". 3H16 que je n’ai pas vues passer. Captivée par le sens du cadre et plus encore celui de la psychologie du réalisateur qui sait aussi bien capturer la rudesse des paysages que celle des cœurs, les paysages et les âmes plongés dans l’hiver. Un film à la fois aride et lumineux comme ses personnages principaux que l’on quitte et abandonne à regret à leurs faiblesses attendrissantes et solitudes désarmantes.

     -3minutes 30 : le temps des applaudissements pour le film précité qui, indubitablement en aurait mérité beaucoup plus. Un très beau film dont je vous reparlerai.

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     -Noir et blanc : le judicieux contraste de couleurs par lequel débute le film de Bertrand Bonello « Saint Laurent ». Nous le découvrons de dos à la réception d’un hôtel se présentant sous un nom d’emprunt et puis de dos dans une atmosphère blafarde, cafardeuse. Un homme dans l’ombre. Un homme et ses zones d’ombre.  L’artiste face à ses démons. Un film qui alterne entre envolées créatrices et scènes superflues, entre de trop rares moments de grâce et des moments de vacuité, qui confond parfois mélancolie et ennui, porté néanmoins par la composition nuancée de Gaspard Ulliel et surtout celle d’Helmut Berger (qui domine, et de loin, la distribution), et par la beauté de l’art de Saint Laurent. Le film reste un hommage créatif au génie mélancolique qu'était Saint Laurent mais aussi un défilé de scènes inégales si bien que là où les hallucinations et les excès permettaient à Saint Laurent de donner vie à des modèles sublimes, le désordre dans le montage du film se perd et nous perd parfois. Vain excès.

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     Quelques phrases retenues de la conférence de presse : Bonello n’a pas vu le film de Jalil Lespert (que j’avoue lui avoir préféré). « Ce qui nous intéressait, c’est de montrer le travail, ce sont les couturières qui ont créé les costumes du film qui sont à l’écran », « Le projet était très antérieur au film de Lespert qui a eu le soutien ferme et définitif de  Bergé » (Eric Altmayer, le producteur), « Ce 2ème film nous a libérés des contraintes du biopic traditionnel pour aller dans la vérité de ce qu’on voulait faire ». Jérémie Rénier a également fait part de son admiration en voyant Gaspard Ulliel composer son personnage, « Quand le texte est si beau, l’acteur n’a qu’à s’incliner devant les mots » (Amira Casar), « Plus qu’un biopic, c’est une odyssée dans la tête du créateur » (Gaspard Ulliel),  « Saint Laurent a une fragilité dans la voix qui ne devait pas se transformer en faiblesse » (Bonello), « J’avais la volonté de faire avancer le film par contrastes pour donner du relief et l’âme du personnage » (Bonello), « Je tenais à tourner en 35 mm pour offrir une richesse sur les couleurs et textures ?

     -La fascination pour les premiers plans du film d’Atom Egoyan que j’ai trouvés étourdissants de beauté glaciale et réellement captivants, lyriques même… La déception fut ensuite à la hauteur de l’étourdissement suscité par ces premières images. Ce qui débutait comme un polar se poursuit comme une vulgaire et racoleuse série tv américaine. Dommage, vraiment, car les idées ne manquaient pas pour nous montrer cette innocence ternie et ces personnages captifs des images, enfermés dans l’écran.

     -« L’hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertu ». Une citation de Molière qui m’a accompagnée toute la journée. Allez savoir pourquoi.

     - La voix de Depardieu encore qui prononce tant de fois et tant de fois différemment et intensément cette sublime phrase de Truffaut dans "Le dernier métro" (que l’on retrouve d’ailleurs aussi dans « La Sirène du Mississipi) : "Tu es si belle que te regarder est une souffrance. (Hier, tu disais que c'était une joie.) C'est une joie et une souffrance."

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    -Le scintillement des bougies à la soirée Swarovski qui donnait l’impression que la mer même était constituée de cristaux éblouissants dans un lieu judicieusement nommé « L’Ecrin »

     -Le brio avec lequel Amalric adapte  Simenon et autopsie un drame mais surtout la vie de province et ses âmes faussement sereines, le tout sublimé par une justesse exceptionnelle dans la direction d’acteurs et par conséquent dans le jeu de ces derniers. Il y avait « La Veuve Couderc », « En cas de malheur », « Le chat » et tant d’autres. Il faudra désormais compter avec « La chambre bleue ».

    -Les images de la beauté versatile de la Croisette qui, du lever au coucher du soleil, semble éclairée par les meilleurs directeurs de la photographie

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    -Envoûtée par la poésie hypnotique, la puissance métaphorique et la force ensorcelante des premières images de « The Prophet ». Un moment de magie comme seul Cannes sait en susciter. Présentée par Sama Hayek, la soirée fut aussi courte que réjouissante.  Le festival a en effet consacré cette séance spéciale en hommage au cinéma d'animation, en accueillant les premières images de Kahlil Ghibran’s The Prophet, produit par Salma Hayek, qui est également l’une des voix du film. Les réalisateurs ayant participé à cette oeuvre collective étaient également présents : Roger Allers, Gaëtan et Paul Brizzi, Joan C. Gratz, Mohammed Saeed Harib, Tomm Moore, Nina Paley, Bill Plympton, Joann Sfar et Michal Socha. Des extraits  du film (réellement magnifiques)  ont été projetés et des passages du livre du poète libanais ont été lus par Julie Gayet et Gérard Depardieu.

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    Et c’est avec le souvenir de ce moment hors du temps et celui des notes mélodieuses de Gabriel Yared que je vous laisse…

    A lire également - épisodes précédents :

    -mon article « Programme complet du Festival de Cannes 2014 et passion(s) cannoise(s) 

    -Festival de Cannes – Episode 1: Cérémonie d’ouverture et projection de « Grace de Monaco » d’Olivier Dahan

    -Festival de Cannes 2014 - Episode 2 : "Mr Turner" de Mike Leigh, ouverture d'Un Certain Regard et "Party girl"

    Inthemoodforfilmfestivals dans les médias :

    -Dans le journal Nice Matin du jour:

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    -un article de 20 minutes me citant comme compte twitter à suivre

    -Un article du Courrier de la Mayenne que vous pouvez retrouver ici.

    -Sur le site internet de Nice-Matin

     

    A suivre… et quelques clichés de ce jour:

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