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In the mood for love

  • Rumeurs cannoises et ode au cinéma asiatique

    medium_mood.2.JPGJe vous ai déjà parlé ici de mon goût prononcé pour le cinéma asiatique notamment en évoquant longuement Wong KAr Wai: ici.

    La rumeur selon laquelle non seulement Wong Kar Wai serait de nouveau présent cette année au festival avec "My Blueberry nights", Hou Hsiao-Hisen avec "Le ballon rouge" et Kim Ki Duk avec "Breath" est pour moi l'occasion de vous parler de ce dernier, réalisateur particulièrement prolifique dont j'avais tout particulièrement apprécié: Printemps, été, automne, hiver et printemps ou encore Locataires. Je vous propose ainsi mes critiques de ces deux films ainsi que celle de Three times de Hou Hsiao Hsien...pour patienter en attendant l'annonce des résultats...de la programmation du 60ème Festival de Cannes, le 19 Avril.

    Locataires de Kim Ki Duk

     Ma curiosité était d’ores et déjà suscitée par le nom du prolifique et éclectique Kim Ki Duk gardant encore un souvenir émerveillé de sa symphonie picturale : « printemps, été, automne, hiver et printemps ». J’étais aussi intriguée par le silence évocateur de ceux qui avaient eu la chance de le voir.

    Résumer ce film ne ferait qu’en dénaturer immodestement l’originalité tout comme donner la parole à ses personnages aurait amoindri l’intensité et la beauté de leur relation. Alors en vous transmettant quelques bribes d’éléments j’espère medium_locataires.2.JPGvous donner envie de courir dans les salles obscures et d’accompagner ces Locataires dans leur errance langoureuse et mélancolique. Kim Ki Duk invente en effet un univers (à moins que ce ne soit les personnages qui l’inventent, une réalisation parfaitement maîtrisée entretenant délibérément l’ambiguïté) où les paroles sont superflues, inutiles, vaines puisque les deux personnages principaux n’échangent pas un mot. Ils n’ont d’ailleurs pas besoin de dire pour exprimer, pour ressentir l’étrange et immédiate harmonie qui les unit, un peu comme la musique transcrivait les sentiments dans le sublime « In the mood for love » de Wong Kar Waï sans nécessiter le moindre dialogue. La parole n’est ici que source de maux et d’hypocrisie. Le décor (réel protagoniste du récit ?) agit comme un symbole (espaces vides symbolisant la solitude des personnages mais aussi symbole de l’image que souhaitent donner d’eux-mêmes les propriétaires) mais aussi une cristallisation puis une réminiscence de l’histoire d’amour, comme un lien entre ces deux âmes solitaires et blessées. Lien intense et (car) indicible. L’humour, comme la violence d’ailleurs, est judicieusement distillé et apporte un aspect ludique, voire fantaisiste. Kim Ki Duk n’oublie pas non plus d’égratigner la société coréenne : corruption de la police etc.
    Cette balade poétique et surréaliste nous emmène et nous déconcerte. La frontière entre rêve et réalité (y) est parfois si étanche…alors si vous ne craignez pas de la franchir laissez-vous dériver en suivant ces Locataires et leur réjouissante et onirique errance. « Locataires » est de ces films dont vous sortez le cœur léger, ignorant la pluie et la foule, encore délicieusement endoloris, encore dans le monde dans lequel ils vous aura transportés et dont seul un silence évocateur, oui effectivement, pourra approcher l’intensité comme unique réponse aux interrogations des non initiés dont, je l’espère, vous ne ferez bientôt plus partie !
    Ce film a reçu le Lion d’Argent, prix de la mise en scène Venise 2004.

    Printemps, été, automne, hiver et printemps de Kim Ki Duk

     Grâce, notamment, à l’ingéniosité de la réalisation j’ai été happée par cet univers  surréaliste et magique, cette histoire singulière, intemporelle et universelle qui substitue mieux que jamais à notre regard « un monde qui s’accorde à ses désirs »pour reprendre la citation de Bazin qui pourrait avoir été inspirée par ce film car ces saisons-là sont avant tout celles des évènements qui rythment la vie d’un homme.

    medium_printemps.JPG Déjà le synopsis suscite la curiosité du spectateur : un maître bouddhiste et son tout jeune disciple vivent au cœur d’un temple, coupés du monde, un temple dont le cadre évolue au gré des saisons, comme le laisse entendre le titre éponyme, et au rythme des sentiments changeants du jeune disciple.

     En effet, ce synopsis promet une véritable cristallisation des passions dans cet univers dichotomique : isolé mais constamment perturbé par les tentations du monde extérieur, un monde qui reste toujours hors champ mais qui est néanmoins si présent.

    Chaque saison symbolise une étape de la vie, les états d’âme, une âme divisée, éventrée même, du protagoniste : l’insouciance de l’enfance, (printemps), l’inconscience de l’adolescence, (automne), la violence de l’âge adulte (été), la sagesse de la vieillesse (hiver)…et la renaissance (printemps).

    La beauté picturale du paysage qui évolue au gré des saisons reflète les sentiments exacerbés des personnages…et la photographie d’une magnificence indicible n’a rien à envier à celle d’un autre chef d’œuvre du cinéma asiatique évoqué précédemment :  In the mood for love  de Wong Kar Wai.

     Comme cela arrive parfois la mise en scène n’est pas privilégiée au détriment du scénario, celui-ci étant réellement ciselé et retenant constamment l’attention du spectateur, un spectateur qui ne cesse d’être habilement manipulé et surpris, envoûté, emporté même par ces saisons d’une beauté hypnotisante.

    Chaque plan est empreint de poésie, une poésie parfois désenchantée mais non moins magnifique et bouleversante.

    Cruauté, passion amoureuse, jalousie, crime même : c’est la valse des sentiments autant que la valse des saisons.

    Kim Ki Duk utilise l’art de la métaphore avec subtilité faisant preuve d’une virtuosité stylistique indéniable.

    La rareté des dialogues n’est jamais dérangeante, bien au contraire, elle met en exergue la qualité de la mise en scène, le montage si judicieux, et reflète l’ascétisme du cadre de vie des personnages.

    Plus qu’un film c’est une expérience, le spectateur se trouvant immergé dans cet univers singulier dont il ne ressort pas indemne, ayant vécu en même temps que le personnage principal un véritable voyage initiatique et dont il ressort avec une seule et irréfragable envie : refaire le voyage, revivre les saisons au rythme de Kim Ki Duk, revoir le cycle de la vie dépeint avec tant de talent dans cette brillante et ensorcelante métaphore filmique, cette parabole sur l’existence si savamment représentée.

     

                                                                          Critique de Three Times de Hou Hsio Hsien

     

    Hou Hsiao Hsien avec ces « Three times » se lance, et nous lance, en effet un défi poétique : retrouver un moment medium_three.JPGd’euphorie qui ne reviendra jamais, un instant dont nous avons la nostalgie non parce-qu’il serait le meilleur mais parce-que nous l’avons perdu à jamais. De cet instant notre mémoire ne conserve que les réminiscences, et de cette manière cet instant demeure le plus beau sans comparaison possible. Ces « Three times » sont en effet trois époques, trois histoires (1911, 1966, 2005) incarnées par le même couple de comédiens. C’est surtout la triple réincarnation d’un amour infini. Dès les premiers plans le spectateur se retrouve immergé dans ce conte sentimental, fasciné par sa langueur ensorcelante, comme un tableau qui vous hypnotise et vous bouleverse instantanément sans que vous sachiez réellement pourquoi. La magie des sentiments et des moments uniques qu’il retranscrit transparaît dans chaque geste et surtout chaque silence des personnages qu’il filme comme des danses langoureuses. On songe évidemment à « In the Mood for love » de Wong Kar Waï qu’il ne détrône néanmoins pas de son piédestal, véritable perfection du genre. Ici le non dit et le silence remplacent des dialogues inutilement explicatifs (comme au temps du muet des cartons remplacent les dialogues), la lenteur judicieuse incite à la rêverie qu’une réalisation plus didactique n’aurait pas permis. Si « three times » est un bel exercice de style il ne l’est pas seulement. L’envoûtement est tel qu’on voudrait ne plus quitter cette atmosphère et ces instants sublimés. Dommage que la troisième partie ne soit pas à la hauteur des deux premières, plus expéditive, plus explicative, peut-être aussi car la contemporanéité et sa violence empêchent l’éternité. C’est enfin un poème intemporelle et nostalgique au rythme délicieusement séduisant. Plus qu’un film c’est une expérience, une belle utopie à laquelle il parvient à nous faire croire, un rêve dont on n’aimerait pas se réveiller, comme celui dans lequel vous plonge ce festival et ses instants surréalistes

     

     

     

    Sandra.

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  • De "In the mood for love" à "In the mood for Cannes"...

    medium_mood.JPGLe titre de ce blog n’a pas été choisi par hasard. Son but est aussi de vous immerger dans l’atmosphère du Festival, parfois ensorcelante, à l’image du magnifique film de celui qui fut le président du Festival de Cannes 2006, Wong Kar-Waï qui y présenta 2046 en 2004, sélectionné en compétition officielle et surtout In the mood for love en 2000 qui reçut le prix d'interprétation masculine et le Grand Prix de la Commission Supérieure Technique. En guise d'hommage à ce grand cinéaste, et de clin d'oeil au titre de ce blog, je vous propose donc ma critique d'In the mood for love.

    Avant de plonger "In the mood for Cannes", plongez "in the mood for love"!

     

    Critique d'In the mood for love de Wong Kar Waï

    Oui, je l’avoue, je n’ai toujours pas vu 2046. A dessein. In the mood for love c’est un peu comme ces moments de nos vies que l’on a filmés et dont on laisse les films croupir dans les tiroirs de crainte que les images ainsi immortalisées soient moins belles que celles de nos souvenirs. Souvenirs sacrés, idéalisés peut-être. Sacrés aussi sont les souvenirs d’In the mood for love. Souvenirs indicibles et indélébiles. Indicibles et indélébiles, telles sont aussi les émotions que procure ce film envoûtant… à l’image des sentiments qu’il retranscrit. A partir d’un synopsis plutôt conventionnel ,d’un schéma vaudevillesque(deux voisins ,Su -Maggie Cheung- et Chow-Tony Leung- , découvrent la tromperie de leurs époux respectifs ,s’éprennent peu à peu l’un de l’autre…mais préfèreront renoncer à leur amour plutôt qu’à leurs idéaux),Wong Kar Wai a réalisé un véritable poème lyrique et nostalgique à la beauté picturale et à l’inventivité visuelle indéniables, inégalées, innovantes, un film tout en nuances dont la mélancolie est encore exacerbée par une atmosphère musicale sublime qui cristallise les sentiments retenus des personnages. Poème langoureux et nostalgique qui nous entraîne, nous emporte délicieusement dans sa mélodieuse complainte. Rarement, voire jamais, au cinéma les frémissements, les palpitations, l’intransmissible incandescence d’un amour implicite, interdit, et ainsi sublimés, avaient été aussi bien suggérés à tel point que les sentiments des personnages semblent émaner de l’écran, presque s’en échapper et nous envahir. Réminiscences des sublimes sensations de nos passés ou de nos rêves, c’est selon, que Wong Kar Waï parvient à faire (res)surgir. Magicien de la caméra. Wong Kar Wai a préféré la suggestion à la démonstration ostentatoire. L’enfermement de Maggie Cheung est ainsi suggéré par des tenues qui emprisonnent son corps et sa passion contenue est reflétée par leurs teintes chatoyantes auxquelles fait écho le décor rouge qui contraste avec les couleurs ternes et les conventions du Hong Kong des années 60. Le ralenti et la musique ensorcelante qui les accompagnent lorsqu’ils se croisent dans un couloir étroit suffisent à nous faire comprendre les sentiments et les impressions d’une sensualité tacite qui les envahissent malgré l’étroitesse des conventions. Les nombreuses ellipses temporelles permettent au spectateur de laisser libre cours à son imagination :un spectateur qui, par une sorte de mimétisme , se laisse peu à peu submerger par l’émotion indéfinissable que suscite cette ambiance…Jamais une histoire d’amour n’avait été racontée avec autant de pudeur, de nuance, d’élégance. Le spectateur est immergé dans cette « ambiance de l’amour », un titre étrange à l’image de la singularité des impressions qu’il inspire. Grâce à l’ingéniosité de la réalisation le spectateur est happé par cet univers, cette histoire…une histoire intemporelle et universelle qui substitue mieux que jamais à notre regard « un monde qui s’accorde à ses désirs » pour reprendre la citation de Bazin qui pourrait avoir été inspirée par ce film. Alors bien sûr on pourrait établir un parallèle avec Sur la route de Madison  de Clint Eastwood ou encore avec les films de James Ivory pour l’admirable peinture des sentiments contenus mais, au-delà de celle-ci, Wong Kar Waï a su créer une atmosphère ensorcelante, languissante, presque onirique qui fait de son film une œuvre inclassable et novatrice …On pourrait aussi me rétorquer que la stylisation est exacerbée (et peut-être pour certains exaspérante ), que cette beauté picturale cherche à dissimuler une faiblesse scénaristique mais c’est justement cette symphonie picturale et musicale qui contribue à la richesse du scénario. Alors quand cette rêverie cinématographique s’achève, le spectateur quitte avec peine cette atmosphère enchanteresse, la magie du cinéma portée à son paroxysme…une magie prolongée par des images et une musique indissociables et inoubliables qui nous accompagnent longtemps après le générique de fin, qui m’accompagnent toujours. Le film entier est un poème langoureux, une mélodie savoureuse et ensorcelante, une longue parabole amoureuse qui vous laissera le souvenir inaltérable et brûlant d’un grand amour.

    Sandra.M

    Catégories : CRITIQUES DE FILMS PRIMES A CANNES Lien permanent 2 commentaires Pin it! Imprimer