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  • Les Chefs Font Leur Cinéma à Cannes : casting de rêve pour l'édition 2017 !

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    Retrouvez ce même article sur mon site http://inthemoodforhotelsdeluxe.com, en cliquant ici.

    Chaque année, je vous parle ici de la formidable initiative "Les Chefs font leur Cinéma à Cannes" organisée par Nespresso sur la plage devenue éponyme le temps du festival.

    C'est avec d'autant plus d'enthousiasme que je vais vous en parler cette année que, au programme, figure mon chef préféré (Pierre Gagnaire, je vous avais ainsi parlé sur Inthemoodforhotelsdeluxe.com de ma visite de son restaurant mais aussi du formidable dîner des 65 ans du Festival de Cannes dont il était le chef -cf mes photos ci-dessous-  ) et, cerise sur le gâteau, celui-ci orchestrera des dîners qui auront pour thématique mon cinéaste de prédilection (Claude Sautet, et pour l'occasion en bas de cet article, je vous propose ma critique de "Un cœur en hiver", chef-d'œuvre du cinéaste moins connu que ses autres films comme "César et Rosalie" dont vous pouvez également retrouver ma critique, ici) mais aussi notamment Arnaud Tabarec, éminent chef de l'Hôtel Five Seas de Cannes (qui compte désormais un nouveau restaurant Le Roof dont je vous parlerai ultérieurement). J'aurai l'immense joie de déguster la cuisine de Pierre Gagnaire à cette occasion. Vous pourrez bien sûr retrouver mon récit de ce grand moment ici et sur http://inthemoodforhotelsdeluxe.com.

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    Vous pouvez ainsi retrouver, en cliquant ici, mon compte rendu de mon dîner signé Jean-François Piège sur la plage Nespresso au Festival de Cannes 2016 (quelques photos ci-dessous).

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    Retrouvez également mon compte rendu de mon dîner signé Florent Ladeyn sur la plage Nespresso au Festival de Cannes 2015, en cliquant ici (photo ci-dessous).

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    Cette année, Du 17 au 28 mai 2017, Nespresso fêtera le 10ème anniversaire de son partenariat avec le Festival International du Film de Cannes.

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    Réveil en douceur(s) avec les Petits Déjeuners Vertuo 

    Cham­pion du Monde de Pâtis­se­rie, le Chef Jérôme de Oli­veira confec­tion­nera des petits déjeu­ners gas­tro­no­miques à La Plage Nes­presso les jeudi 18, samedi 20, dimanche 21 et mer­credi 24 mai 2017. Outre ses déli­cieuses vien­noi­se­ries, brioches aux pra­lines roses, flans et autres Bubble Cakes arti­sa­naux, Jérôme de Oli­veira dévoi­lera son exquise Tarte Confi­dences au café ver­tuo. L'en­semble des mer­veilles sucrées éla­bo­rées par le Chef sera pro­posé en accord avec les Grands Crus Ver­tuo. L'oc­ca­sion pour les fes­ti­va­liers de bien com­men­cer la jour­née et de (re)décou­vrir le café au for­mat Mug. 

    Les Chefs font leur Cinéma

    Au dîner, les Chefs se suc­cé­de­ront et déli­vre­ront tour à tour leur inter­pré­ta­tion de l'uni­vers d'un réa­li­sa­teur. Chaque soir, une soixan­taine de convives vivra ainsi une expé­rience très convoi­tée tant gas­tro­no­mique que ciné­ma­to­gra­phique.

    Cette année, ce sont Arnaud Taba­rec (Res­tau­rant Le Roof, Cannes), Pierre Gagnaire (Res­tau­rant Pierre Gagnaire, Paris, 3*** Miche­lin), Arnaud Faye (Res­tau­rant La Chèvre d'or, Èze, 2** Miche­lin) et Ales­san­dro Negrini (Res­tau­rant Il Luogo di Aimo e Nadia, Milan, 2** Miche­lin) qui ont été rete­nus au cas­ting de ces dîners d'ex­cep­tion sur la Plage Nes­presso. 

    Au sein d'une ambiance rap­pe­lant l'uni­vers d'un réa­li­sa­teur, les Chefs offri­ront à dégus­ter une ou plu­sieurs recettes construites autour des Grands Crus d'ex­cep­tion Nepal Lam­jung et Kili­man­jaro Pea­berry. Issus de ter­roirs rares, ces cafés Pure Ori­gine ont été conçus pour offrir de nou­velles expé­riences et des saveurs inédites aux clients des tables étoi­lées. 

    Jeudi 18 mai 2017, Arnaud Taba­rec ouvrira les fes­ti­vi­tés avec un "Flying Din­ner" ren­dant hom­mage à l'uni­vers coloré de Pedro Almo­do­var (pré­sident du Jury du Fes­ti­val de Cannes 2017). 

    Dans une ambiance typi­que­ment espa­gnole, le Chef du res­tau­rant can­nois Le Roof pro­po­sera une ribam­belle de tapas gas­tro­no­miques, parmi les­quels un oeuf par­fait en cap­puc­cino "cham­pi­gnons-ara­bica" ou encore une bou­chée de pou­let pané au cho­rizo, jus infusé au Grand Cru Indriya from India.

    Vér­itable monu­ment de la gas­tro­no­mie, l’ico­no­claste Pierre Gagnaire pren­dra la suite les ven­dredi 19 et samedi 20 mai 2017 pour des dîners aussi sen­sibles et ins­pi­rés que l’uni­vers de Claude Sau­tet, ré­al­is­ateur choisi par le Chef. Pas­sion­né de cine­́ma et pro­fon­de­́ment tou­ché par le « por­trai­tiste du cine­́ma fran­çais », Pierre Gagnaire contera ses his­toires gas­tro­no­miques autour de plats aux saveurs éto­nnantes, à l’image de l’au­da­cieux Cro­quant gla­cé à la vanille Tahaa, asperge verte, morilles et cara­mel au Grand Cru Exclu­sive Selec­tion Nepal Lam­jung. 

     

    Autre sur­doué de la cui­sine Fran­çaise, Arnaud Faye, réce­mment nom­mé à la tête du res­tau­rant La Chèvre d’Or où il défend deux étoiles, se frot­tera lui aussi à l’uni­vers cha­leu­reux de Pedro Almodo­́var lors de dîners les mardi 23 et mer­credi 24 mai 2017. Sen­sible à l’uni­vers très humain du ré­al­is­ateur espa­gnol, Arnaud Faye affirme que cui­sine et cine­́ma ont de com­mun l’en­vie de pro­cu­rer des sen­sa­tions. Son ém­otion, le Chef la par­ta­gera notam­ment au tra­vers d’un explo­sif « bomba » aérien, auber­gine confite et Grand Cru Exclu­sive Selec­tion Kili­man­jaro Pea­berry. 

     

    Enfin, Ales­san­dro Negrini, aco­lyte de Fabio Pisani au res­tau­rant dou­ble­ment éto­ilé Il Luogo di Aimo e Nadia à Milan, clo­̂t­ur­era le bal le ven­dredi 26 mai 2017. Pour son dîner, le Chef Ita­lien ren­dra hom­mage à l’uni­vers d’un autre ita­lien : Mat­teo Gar­rone (Gomorra, Tale of Tales). Tou­ché par la poe­́sie et la « force de la matière brute » se dég­ageant des œuvres du ré­al­is­ateur, Ales­san­dro Negrini rég­al­era ses convives de mets cré­atifs, construits autour de pro­duits ita­liens d’ex­cep­tion tels que la scar­moza fumée, la ricotta de buf­flonne, le risotto Car­na­roli ou encore l’huile d’olive de Nocel­lara. Sobre­ment inti­tu­lé « Black cof­fee & Lemon » son des­sert au Grand Cru Exclu­sive Selec­tion Kili­man­jaro Pea­berry pro­met des sen­sa­tions gas­tro­no­miques inédites. Nul doute qu’au cœur de l’am­biance can­noise, les quelques pri­vi­le­́giés invi­tés aux dîners Nes­presso vivront des ins­tants culi­naires d’ex­cep­tion. 

     

    Informations pratiques :

    La Plage Nes­presso sera ouverte du 17 au 27 mai 2017. Elle accueillera en libre accès tous les jour­na­listes accre­́d­ités au Fes­ti­val de Cannes (en face de l’Ho­̂tel Mar­riott).

    Les Petits déje­uners Ver­tuo se déro­ul­eront les jeudi 18, samedi 20, dimanche 21 et mer­credi 24 mai 2017 (petits-déje­uners signés par le Cham­pion du Monde de la Pâti­ss­erie, Jérôme de Oli­veira).

    Les dîners « Les Chefs font leur Cine­́ma » auront lieu :


    - Jeudi 18 mai 2017 – Flying Din­ner Hom­mage à Pedro Almodo­́var par Arnaud Taba­rec

    - Ven­dredi 19 et Samedi 20 mai 2017 – Dîner Hom­mage à Claude Sau­tet par Pierre Gagnaire

    - Mardi 23 et mer­credi 24 mai 2017 – Dîner Hom­mage à Pedro Almodo­́var par Arnaud Faye

    - Ven­dredi 26 mai 2017 – Dîner Hom­mage à Mat­teo Gar­rone par Ales­san­dro Negrini

    Pour la sep­tième année, Nes­presso sou­tient les talents de demain au tra­vers du Grand Prix Nes­presso, déce­rné par le Jury de la Semaine de la Cri­tique pre­́s­idé cette année par Kle­ber Men­don­ça Filho. Cette réco­mpense a vu éme­rger des cinéastes aussi talen­tueux que l’ame­́r­icain Jeff Nichols ou l’ar­gen­tin San­tiago Mitre.

     

    A  l’occasion du 70ème Festival de Cannes, Nespresso mettre à l’honneur la création sous toutes ses formes. Le Grand Prix Nespresso de le Semaine de la Critique et la deuxième édition du concours Nespresso Talents révéleront les talents émergents ; alors que gastronomie et cinéma évolueront main dans la main lors de dîners célébrant le 7ème art, confectionnés par de grands Chefs.

    De jour comme de nuit, La Plage Nespresso sera une fois encore le théâtre des plus belles festivités de cette nouvelle quinzaine cannoise.

    Des engagements en faveur de la jeune création

    Pour la septième année, Nespresso soutient les talents de demain au travers du Grand Prix Nespresso, décerné par le Jury de la Semaine de la Critique présidé cette année par Kleber Mendonça Filho.

    Cette récompense a vu émerger des cinéastes aussi talentueux que l’américain Jeff Nichols ou l’argentin Santiago Mitre.

    Lancé en 2016, le concours Nespresso Talents permet quant à lui aux cinéastes professionnels comme aux amateurs d’exprimer leur créativité. La compétition repousse les limites de la réalisation classique en demandant aux participants de tourner leurs films au format vertical (9:16), un angle entièrement inédit. Ouvert aux candidatures depuis le 11 février jusqu’au 7 avril 2017 sur une plateforme dédiée, Nespresso Talents permettra aux apprentis cinéastes sélectionnés de remporter des fonds de financement et un voyage exclusif au Festival de Cannes 2017, où ils seront mis à l’honneur.

    La Plage Nespresso dès les premiers rayons de soleil

    Investie par tous les festivaliers depuis plusieurs années, La Plage Nespresso reprend du service en 2017. Vivant au rythme du festival, La Plage offre un cadre privilégié pour prolonger l’expérience cannoise de la plus belle façon qui soit.

    Cette année, ce lieu d’exception s’animera dès 9h du matin, avec des petits déjeuners signés par le Chef Pâtissier Jérôme de Oliveira, où le café Nespresso Vertuo coulera à flots.

    A midi, les festivaliers prendront place sur la terrasse pour un déjeuner avec vue sur la Méditerranée ; alors que le bar de La Plage accueillera les rendez-vous, séances photo ou les pauses entre deux projections des professionnels.

     

    La Plage Nespresso

    Boulevard de la Croisette

    06400 Cannes

    www.nespresso.com/cannes

    Retrouvez également ces informations sur le site de l'Agence 14 septembre, ici.

    Critique de UN COEUR EN HIVER  de Claude Sautet

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     Lorsqu’on me demande mon film culte,  je cite le plus souvent soit « Le Guépard » de Luchino Visconti, soit « Un cœur en hiver » de Claude Sautet, suscitant régulièrement la perplexité chez mes interlocuteurs concernant le second, et la mienne en retour de constater que beaucoup ne connaissent pas ce film. Je l’ai revu hier après deux ou trois ans et la fascination est restée intacte. Après un certain nombre de visionnages, il me bouleverse, me fascine et m’intrigue toujours autant. Si vous ne l’avez pas encore vu, ou si vous l’avez vu mais n’en gardez qu’un souvenir mitigé je vais essayer de vous convaincre de (re)voir ce film que je considère comme un chef d’œuvre. « Un cœur en hiver » est adapté d’une nouvelle « La Princesse Mary » extraite d’un recueil de nouvelles de Lermontov « La Princesse Mary » mais également inspiré de la vie de Maurice Ravel.

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    Maxime (André Dussolier) et Stéphane (Daniel Auteuil) sont (apparemment) amis et travaillent ensemble dans l’atmosphère feutrée d’un atelier de lutherie. Les violons sont toute la vie de Stéphane, contrairement à Maxime qui vient de tomber amoureux d’une jeune violoniste, Camille (Emmanuelle Béart), rapidement intriguée puis attirée par la retenue singulière de Stéphane. Pour Stéphane, véritable « cœur en hiver », ce n’est qu’un jeu dont il conte l’évolution à son amie Hélène (Elisabeth Bourgine). Stéphane semble n’aimer qu’une seule personne au monde : son maître de violon, Lachaume (Maurice Garrel).

     Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma et peut-être même le mieux « Un cœur en hiver » : d’abord parce que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l’imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté (ici, l’arrivée de Camille dans la vie de Maxime et par conséquent dans celle de Stéphane comme c’est le cas de l’arrivée de David dans « César et Rosalie » ou de Nelly dans « Nelly et Monsieur Arnaud ») et ensuite parce que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique, une passion qui s’exprime pleinement ici puisque la musique est un personnage à part entière. Le tempo des films de Sautet est ainsi réglé comme une partition musicale, impeccablement rythmée, une partition dont on a l’impression qu’en changer une note ébranlerait l’ensemble de la composition.

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    C’est par elle, la musique, que Camille s’exprime (d’ailleurs Maxime le dira, elle ne se livre que lorsqu’elle joue) : tantôt sa mélancolie, sa violence (ainsi cette scène où elle enregistre en studio et qu’elle manie l’archet comme une lame tranchante), son désarroi, ses espoirs. C’est aussi à travers elle que Stéphane ressent et exprime ses (rares) émotions notamment lorsqu’un « c’est beau » lui échappe après avoir écouté Camille jouer. La musique ici, aussi sublime soit-elle (celle des  sonates et trio de Ravel) n’est pas forcément mélodieuse mais exprime la dissonance que connaissent les personnages. C’est un élément d’expression d’une force rare, bien plus que n’importe quel dialogue.

    La passion est donc celle pour la musique mais aussi celle qui s’exprime à travers elle, l’autre : la passion amoureuse. Celle qui s’empare de Camille pour cet homme hermétique au regard brillant, transperçant qui la fascine, l’intrigue, la désempare.  Le trouble s’empare d’elle dès sa première répétition à laquelle Stéphane assiste. Elle ne parvient pas à jouer, dit qu’elle reprendra un autre jour et puis quand Stéphane quitte la pièce, elle reprend comme si de rien n’était. Ensuite, venue rejoindre Maxime dans l’atelier de lutherie, ce dernier occupé, elle l’attend en compagnie de Stéphane et lui confie ce qu’elle n’avait jamais dit à personne, lui parlant de ses rapports compliqués avec son agent et amie Régine (Brigitte Catillon). Enfin, troisième rencontre déterminante : Stéphane vient la voir jouer, seul, sans Maxime pour la première fois. Ils s’évadent un instant de la répétition pour aller boire un café après avoir traversé la rue sous la pluie. Leurs mains s’effleurent presque subrepticement, négligemment. Stéphane la protège de la pluie avec sa veste. Puis, il l’écoute assis au café, avec son regard scrutateur. Puis, c’est l’absence et le silence de Stéphane mais c’est trop tard : Camille est déjà bouleversée, amoureuse. A priori, racontées ainsi rien d’extraordinaire dans ces trois scènes, pourtant le scénario et la mise en scène de Sautet et surtout ses personnages sont d’une telle richesse que chacune d’elle est plus haletante qu’une scène d’un palpitant thriller. Aucun plan n’est inutile. Comme dans un thriller, chaque plan a une implication sur la résolution.

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     Tous les films de Sautet se caractérisent d’ailleurs aussi par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants.  Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l’on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d’être démesurément explicatif, c’est au contraire un cinéma de l’implicite, des silences et du non-dit. Pascal Jardin disait  de Claude Sautet qu’il « reste une fenêtre ouverte sur l’inconscient ».

    Le souffle du spectateur est suspendu à chaque regard (le regard tellement transperçant de Stéphane, ou de plus en plus troublé de Camille) à chaque note, à chaque geste d’une précision rare. Je n’ai encore jamais trouvé au cinéma de personnages aussi « travaillés » que Stéphane, ambigu, complexe qui me semble avoir une existence propre, presque exister en dehors de l’écran. Là encore comme un thriller énigmatique, à chaque fois je l’interprète différemment, un peu aussi comme une sublime musique ou œuvre d’art qui à chaque fois me ferait ressentir des émotions différentes. Stéphane est-il vraiment indifférent ? Joue-t-il un jeu ? Ne vit-il qu’à travers la musique ? « La musique c’est du rêve » dit-il. Ou, selon cette citation de La Rochefoucauld que cite Sautet  fait-il partie de ceux qui pensent que« Peu de gens seraient amoureux si on ne leur avait jamais parlé d’amour » ? A-t-il peur d’aimer ? Ou n’y croit-il simplement pas ? Est-il sincère quand il dit avec une froide tranquillité que Maxime n’est pas un ami, juste « un partenaire ».

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    Le film commence ainsi de nuit dans l’atelier et se termine de jour dans un café et entre ces deux moments, Stéphane passera de l’ombre à la lumière, d’une personnalité ombrageuse à (peut-être, là aussi, l’interprétation varie à chaque visionnage) un homme capable d’aimer. Un personnage assez proche du personnage de Martial dans « Quelques jours avec moi » (un autre film de Sautet méconnu que je vous recommande, où son regard se fait encore plus ironique et acéré, un film irrésistiblement drôle et non dénué de –douce-cruauté).  « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu’ils font (..). Claude Sautet c’est la vitalité. » disait ainsi Truffaut.

    Et puis certaines scènes font pour moi partie des plus belles et cruelles du cinéma. Cette scène où dans une voiture, Camille lui avoue l’amour qu’il lui inspire et se livre à lui, ce à quoi Stéphane répond avec tranquillité, jubilation peut-être, froidement en tout cas : « je ne vous aime pas ». Cette scène me glace le sang à chaque fois. Et puis la scène où Camille veut l’humilier à son tour. Elle se maquille outrageusement, le rejoint au café où il a ses habitudes où il dîne avec son amie Hélène. Camille lui crie sa rancœur, sa passion, cherche à l’humilier. La scène est tranchante, violente et sublime comme la musique de Ravel jouée par Camille.

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    Et puis comment ne pas parler de la distribution, absolument parfaite, à commencer par Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart, sans aucun doute leurs meilleurs rôles auxquels ils semblent se livrer (ou se cacher) corps et âme, d’autant plus ambigus puisqu’ils vivaient alors ensemble. Emmanuelle Béart est à la fois mystérieuse, sensuelle, forte, fragile, fière, brisée, passionnée et talentueuse (elle apprit ainsi le violon pendant un an). Daniel Auteuil donne vie à ce Stéphane énigmatique, opaque, cinglant, glacial, austère qui se définit lui-même comme sournois, parfois révoltant, parfois touchant avec ce regard perçant, tantôt terriblement là ou terriblement absent. L’un comme l’autre, dans leurs regards, expriment une multitude d’émotions ou de mystères. Mais il ne faudrait pas non plus oublier les seconds rôles : André Dussolier, personnage digne qui échappe au cliché de l’amant trompé et qui obtint d’ailleurs le César du meilleur second rôle. Jean-Luc Bideau qui dans une scène courte mais intense aligne les clichés sur la culture et l’élitisme (magnifique scène de dialogue où là aussi Stéphane dévoile une trouble (et pour Camille troublante) facette de sa personnalité). Myriam Boyer, Brigitte Catillon, Elisabeth Bourgine (les femmes de l’ombre avec, chacune à leur manière, une présence forte et déterminante).

     « Un cœur en hiver »  obtint le lion d’argent à Venise. Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart passèrent à côté des César de meilleurs acteurs (que leur ravirent Claude Rich pour « Le souper » et Catherine Deneuve, pour « Indochine »). Claude Sautet obtint néanmoins le césar du meilleur réalisateur (le seul avec celui de Dussolier malgré sept nominations) et celui du meilleur film fut cette année-là attribué à Cyril Collard pour « Les nuits fauves ». Tous les postes du film auraient mérités d’être récompensés : le scénario, l’image d’Yves Angelo, le travail sur la musique de Philippe Sarde, le scénario  de Jacques Fieschi et Claude Sautet…

    On retrouve là encore ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de groupe (dont « Vincent, François, Paul et les autres est le film emblématique) et la solitude dans et malgré le groupe, l’implicite dans ce qui n’est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah le regard tranchant de Daniel Auteuil! Ah, ce dernier plan !), des scènes de café ( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n’y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m’en empêcher. Les cafés, c’est comme Paris, c’est vraiment mon univers. C’est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, des scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, des scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu « Le jour se lève » …17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, …et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.

     On a souvent dit de Claude Sautet était le peintre de la société des années 70 mais en réalité la complexité des sentiments de ses personnages disséquée avec une rare acuité est intemporelle.  S’il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d’après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterrandienne,  ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme « La Comédie Humaine » peut s’appliquer aussi bien à notre époque qu’à celle de Balzac.

    Le personnage de Stéphane ne cessera jamais de m’intriguer, intrigant le spectateur comme il intrigue Camille, exprimant tant d’ambiguïté dans son regard brillant ou éteint. Hors de la vie, hors du temps. Je vous le garantis, vous ne pourrez pas oublier ce crescendo émotionnel jusqu’à ce plan fixe final polysémique qui vous laisse ko et qui n’est pas sans rappeler celui de Romy Schneider à la fin de « Max et les ferrailleurs » ou de Michel Serrault (regard absent à l’aéroport) dans « Nelly et Monsieur Arnaud » ou de Montand/Frey/Schneider dans « César et Rosalie ». Le cinéma de Claude Sautet est finalement affaire de regards, qu’il avait d’une acuité incroyable, saisissante sur la complexité des êtres, et jamais égalée. Alors que le cinéma est de plus en plus univoque, explicatif, c’est plus que salutaire.

     Une histoire d’amour, de passion(s), cruelle, intense, poétique, sublime, dissonante, mélodieuse, contradictoire, trouble et troublante, parfaitement écrite, jouée, interprétée, mise en lumière, en musique et en images.

    Un peu comme l’ours en peluche du « Jour se lève » qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons des films de Sautet et de celui-là en particulier, entre rires et larmes, bouleversés, avec l’envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »…et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n’a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».

    Claude Sautet, en 14 films, a su imposer un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d’une savoureuse mélancolie, de l’ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l’ensemble, et celui-ci pour moi le plus beau et bouleversant.

    Retrouvez également ma critique de "César et Rosalie" de Claude Sautet en cliquant ici.

    FILMOGRAPHIE  DE CLAUDE SAUTET

    Né à Montrouge (près de Paris) en 1924, Claude Sautet est mort à Paris le samedi 22 juillet 2000 à l’âge de soixante-seize ans…

     Longs-métrages réalisés par Claude Sautet

     Bonjour sourire (1955)

    Classe tous risques (1960)

     L’Arme à gauche (1965)

    Les Choses de la vie (1970)

     Max et les Ferrailleurs (1970)

    César et Rosalie (1972)

    Vincent, François, Paul et les autres (1974)

    Mado (1976)

    Une histoire simple (1978)

     Un mauvais fils (1980)

    Garçon ! (1983)

    Quelques jours avec moi (1988)

    Un cœur en hiver (1991)

     Nelly et Monsieur Arnaud (1995)

     

     A voir : le documentaire de N.T.Binh  « Claude Sautet ou la magie invisible »

    A noter: Claude Sautet a également travailler comme ressemeleur de scénarii pour de nombreux cinéastes et notamment sur  (parmi de nombreux autres films ) « Borsalino » de Jacques Deray.

    La Plage Nespresso

    Boulevard de la Croisette

    06400 Cannes

    www.nespresso.com/cannes 

    La Plage Nespresso

    Boulevard de la Croisette

    06400 Cannes

    www.nespresso.com/cannes 

    La Plage Nespresso

    Boulevard de la Croisette

    06400 Cannes

    www.nespresso.com/cannes 

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  • L^A.M.E « Atelier des Merveilles Ephémères » : havre de paix au coeur du 70ème Festival de Cannes

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    Au cœur de l'agitation cannoise, les havres de paix sont une denrée rare et celui que je vous présente aujourd'hui devrait séduire les festivaliers et artistes en quête de sérénité. Indéniablement ! Laissez-moi vous présenter ce lieu idyllique situé à deux pas du palais des festivals...

    Paradis perdu lové à trois minutes du Palais des Festivals, L^A.M.E « Atelier des Merveilles Ephémères » offre un havre de paix poétique et chaleureux où l’Âme des Artistes mis en lumière se dévoile au coeur d’un jardin secret.

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    Concerts live, Expositions et Expériences inédites sont au programme de cette nouvelle destination aux mille couleurs et senteurs florales, parenthèse enchantée dans cette frénésie Cannoise.

    L^A.M.E ouvre ses portes à l'occasion du 70ème Festival International du Film de Cannes et fait la promesse d'être le théâtre de toutes les expériences sensorielles, une ode à la vie, à la créativité, à la musique, à la fête et au Septième Art...

    Un cadre idyllique qui accueille les fêtes de films les plus privées . Le rendez-vous attendu des artistes et professionnels du cinéma qui aiment se retrouver en toute intimité.


    Plateau ITW équipe de Tournage : Postproder posera ses cameras à L^A.M.E pour accueillir, tous les jours, les press junkets des films en compétition officielle du Festival.

    Concerts & Jam Sessions live orchestrés par le Groupe SLAP! ( Micky Green, Chat & Sandra Derlon) qui présentera son album à l’occasion d’un live inédit. L^A.M.E accueillera de nombreux guests surprises tout au long du festival. DJ set résident par VLJ, qui imposera un style éclectique alliant  Jazz, Funky Deep et Hip Rock et rendra hommage au Cinéma de Pédro Almodovar, Président du jury de ce 70ème Festival de  Cannes.

    Carte Blanche à l’artiste Yassine Mekhnache et exposition des oeuvres de Prudence Dudan (illustratrice), Hélène Daumas (Artiste végétal), Lucie Monin (plasticienne doreuse).

    Pour suivre L'Atelier des Merveilles Ephémères sur les réseaux sociaux : Facebook (https://www.facebook.com/atelierdesmerveillesephemeres/) et Instagram (@atelierdesmerveillesephemeres).

    Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Présentation de la Semaine du Cinéma Positif au Festival de Cannes 2017

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    Hier, sur les Champs-Elysées,  en présence de Jacques Attali, Costa-Gavras et Yann Arthus-Bertrand avait lieu la présentation  de la Semaine du Cinéma Positif qui aura lieu pour la deuxième année consécutive dans le cadre du Festival de Cannes, une belle initiative au principe louable dont je vous parlais déjà il y a quelques jours.

    Comme l'an passé, la Semaine du Cinéma Positif initiée par la Fondation Positive Planet et dont Sam Bobino est le délégué général proposera en effet sa sélection parallèle au Festival International du Film de Cannes en "mettant l'accent sur un cinéma qui dénonce la pauvreté, l'intolérance, le fanatisme, la précarité, l'impossibilité de devenir soi, les maux faits à notre planète  et qui participe à faire prendre conscience des enjeux qui concerneront les générations suivantes. Pendant une semaine du 17 au 24 Mai, la fondation Positive Planet proposera une sélection de films positifs, pas nécessairement optimistes mais qui donnent confiance et envie d'agir. récents ou anciens, qui seront visibles à Cannes, grâce à l'aide de la ville de Cannes et de l'association Cannes Cinema. Les spectateurs pourront également voir ou revoir ces films partout en France ou à travers le monde. En plus de ces projections pour la plupart à Cannes, en présence des équipes de films seront organisées des rencontres et discussions autour du cinéma positif destinées au grand public et notamment aux scolaires."

    Pendant une semaine, du 17 au 24 mai prochain, la Fondation Positive Planet, avec le soutien de ses différents partenaires dont la mairie de Cannes, propose dans le cadre de la 70ème édition du Festival de Cannes, un programme riche et varié pour découvrir les richesses du cinéma positif et participer aux débats sur le potentiel de ce cinéma pour nos sociétés et les générations futures :

     - Du 17 au 24 mai, une sélection de films positifs sera projetée en présence de réalisateurs, dans des lieux emblématiques de Cannes.

    Projections à Cannes du 17 - 24 mai 

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    1984 , de Michaël Radford

     Iqbal, l’enfant qui n’avait pas peur , de Michel Fuzellier et Babak Payami

    Parfum de Printemps , de Férid Boughedir

     Les Glaneurs et la Glaneuse , d’Agnès Varda

    Les Hommes du Président (All the President’s Men), d’Alan J. Pakula

    Mr Smith au Sénat (Mr. Smith goes to Washington), de Frank Capra

    E.T., de Steven Spielberg

    Missing, de Costa Gavras

    - Le 23 mai, des tables rondes pour débattre des enjeux autour du cinéma positif seront organisées dans le Palais des Festivals. 

    Rencontre avec Jacques Attali et Yann Arthus Bertrand et les étudiants en Cinéma du Lycée Carnot à Cannes « Le Cinéma Positif pour les générations futures » Conférences « Le Cinéma Positif » au Palais des Festivals

     
    - Le 24 mai, à la Fnac de Cannes se tiendra une rencontre avec Jacques Attali, Costa Gavras, et Luc Jacquet, suivie d’une « master class » de Costa Gavras. 
     
    - Enfin, le 7ème dîner de Gala de Positive Planet clôturera cette semaine avec une vente aux enchères, organisée au profit de la Fondation, et la remise des prix de cette seconde édition du cinéma positif. Il se tiendra le 24 mai au Palm Beach, en présence de personnalités du monde du cinéma, de l’entreprise et de la mode notamment, tels que le producteur Harvey Weinstein, le top model Naomi Campbell… 
     
     Les Prix du cinéma positif sont attribués à trois catégories de films longs métrages (fiction, documentaire et premier film), sortis en salle du mois de mai de l’année précédente au mois d’avril de l’année en cours (films sortis entre chaque Festival de Cannes).   Voici la sélection :
     

    Les films en compétition 2017

    Meilleur long métrage fiction positif

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     « Bienvenus ! » (« Welcome to Norway ») de Rune Denstad Langlo (Norvège, Suède)

    « Captain Fantastic » de Matt Ross (USA)

     « Carole Matthieu » de Louis-Julien Petit (France)

    « Chez Nous » de Lucas Belvaux (France, Belgique) « Frantz » de François Ozon (France)

    « L’autre côté de l’espoir » (« Toivon tuolla puolen ») de Aki Kaurismäki (Finlande)

     « La Fille de Brest » de Emmanuelle Bercot (France)

     « Le ciel attendra » de Marie-Castille Mention-Schaar (France)

     « Les figures de l’ombre » (« Hidden Figures ») de Théodore Melfi (USA)

    « Lion » de Garth Davis (USA, Australie, Angleterre)

     « L’Odyssée » de Jérôme Salle (France)

    « Loving » de Jeff Nichols (USA, Angleterre)

     « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach (Royaume-Uni, France)

     « Moonlight » de Barry Jenkins (USA) « Premier contact »

     (« Arrival ») de Denis Villeneuve (USA)

     « Snowden » d’Oliver Stone (USA, Allemagne, France)

    « Tour de France » de Rachid Djaïdani (France)

     « Tu ne tueras point » de Mel Gibson (USA)

    « 1.54 » de Yan England (Canada)

    Meilleur long métrage documentaire positif

     « Dernières nouvelles du Cosmos » de Julie Bertuccelli (France)

    « Fuocoammare, par dela Lampedusa » (« Fuocoammare ») de Gianfranco Rosi (Italie, France)

    « I am not your Negro » de Raoul Peck (USA)

    « Jean Vanier, le sacrement de la tendresse » de Frédérique Bedos (France)

     « La supplication » (« Voices from Chernobyl ») de Pol Cruchten (Autriche, Luxembourg, Ukraine)

    « L’Empereur » de Luc Jacquet (France)

    « Les pépites » de Xavier de Lauzanne (France)

    « Qu’est-ce qu’on attend ? » de Marie-Monique Robin (France)

     « Where to Invade next » de Michaël Moore (USA)

    Meilleur premier métrage fiction ou documentaire positif

    « Ballerina » de Eric Summer et Eric Warin (France, Canada)

     « Divines » de Houda Benyamina (France, Qatar)

    « Et les mistrals gagnants » de Anne-Dauphine Julliand (France)

    « Food Coop » de Tom Boothe (USA, France)

    « Iqbal, l’enfant qui n’avait pas peur » de Michel Fuzellier et Babak Payami (France, Italie)

    « Ma vie de courgette » de Claude Barras (Suisse, France)

     « Patients » de Grand Corps Malade & Mehdi Idir (France)

    « Wrong élements » de Jonathan Littell (France, Allemagne, Belgique


    Un Prix d’Honneur sera décerné à Costa Gavras pour l’ensemble de son œuvre.
     

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    Un Prix Hommage célèbrera le cinéaste américain Frank Capra (1897-1991) pour Mister Smith au Sénat, film emblématique de l’histoire du cinéma positif.

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    Le jury 2017 pour cette seconde édition sera composé de personnalités prestigieuses du monde du cinéma, de la culture et des médias, à l’instar de Isabelle Giordano, directrice générale d’uniFrance Film, Alain Terzian, président des César, de la productrice Melita Toscan du Plantier, du producteur Dominique Farrugia, et des réalisateurs Yann Arthus-Bertrand, Coline Serreau et Férid Boughedir. 
     
     Pour suivre le programme de la Journée du Cinéma Positif : 
     
    Twitter : https://twitter.com/positivecinemaw
    Facebook : https://www.facebook.com/positivecinemaweek/ 
     
    En complément, mes critiques de trois films que vous pourrez revoir dans le cadre de cette Semaine du Cinéma Positif : "Moi, Daniel Blake" de Ken Loach (palme d'or du Festival de Cannes 2016), "Timbuktu" et "L'Odyssée".
     
    Critique de TIMBUKTU

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    C’est dans le cadre du  Festival de Cannes où il figurait en compétition que j’ai découvert « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako, son cinquième long-métrage et le seul long-métrage africain en compétition de cette édition. J’en suis ressortie bouleversée, abasourdie d’éblouissement et d’émotions, persuadée que je venais de voir la palme d’or incontestable de cette 67ème édition tant chaque image, chaque visage y sont d’une beauté inouïe éclairant magnifiquement et brillamment les aspects les plus sombres de l’actualité. Quelle ne fut donc pas ma surprise d’apprendre que le jury de ce 67ème Festival de Cannes présidé par Jane Campion ne lui attribuait pas un seul prix. « Timbuktu » a néanmoins reçu le Prix du jury œcuménique et le Prix François-Chalais. En sélection hors compétition avec « Bamako » en 2006, après avoir présenté « Octobre » en 1993 et « En attendant le bonheur » en 2002, ayant également été membre du jury en 2007, le cinéaste est un habitué de la Croisette.

     

    Au Mali, non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, le berger touareg Kidane (Ibrahim Ahmed dit Pino) mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima (Toulou Kiki), de sa fille Toya (Layla Walet Mohamed) et de Issan (Mehdi Ah Mohamed), son petit berger âgé de 12 ans. Pendant ce temps, en ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des Djihadistes. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou jusqu’au jour où Kidane tue accidentellement Amadou, le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il va alors subir les lois iniques et aberrantes des occupants.

     

    « Ce que je veux, c’est témoigner en tant que cinéaste. Je ne peux pas dire que je ne savais pas, et, puisque maintenant je le sais, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment » a déclaré Abderrahmane Sissako dont l’envie de réaliser ce film a surgi après un fait réel survenu en juillet 2012, dans la petite ville d’Aguelhok au Mali. Un couple d’une trentaine d’années avait alors été placé dans deux trous creusés dans le sol en place publique, puis lapidé. Leur unique « faute » était d’avoir eu des enfants hors mariage. Choqué par la lapidation publique du couple mais aussi par l’absence de médiatisation de ce fait atroce, Abderrahmane Sissako a alors décidé de réaliser « Timbuktu».

     

    Tout est contenu dans les premiers plans, prémonitoires : la beauté, la liberté, la grâce incarnées par une gazelle qui court poursuivie par des Djihadistes en jeep. « Ne la tuez pas, fatiguez-la ! », crie leur chef. Puis, des œuvres d’art détruites : des masques et statuettes qui servent de cible à des exercices de tir. La violence absurde, ridicule, terrible des fanatiques face à la culture, la poésie et la beauté.

     

    Avec beaucoup d’intelligence et de pudeur, si rare au cinéma a fortiori quand il s’agit de traiter d’une actualité aussi grave, en refusant le spectaculaire, Sissako montre avec d’autant plus de force et de portée toute l’absurdité de cette violence. Il a aussi l’intelligence d’éviter tout manichéisme, de quérir et montrer la bonté derrière la cruauté comme ce Djihadiste qui danse tandis qu’un homme et une femme sont lapidés à mort. La beauté et la violence de la scène, enlacées, n’en sont alors que plus foudroyantes et convaincantes. Aux pires moments surgissent des éclairs d’humanité comme quand cet autre Djihadiste compatit lorsque Kidane parle de sa fille bientôt orpheline tout en refusant néanmoins que soit traduite sa phrase compatissante. Des contrastes judicieux entre sérénité et brutalité, poésie et violence, le fond et la forme, grâce notamment à une construction savamment orchestrée : soleil irradiant et illuminant une scène tragique, plan mis en parallèle avec le précédent illustrant la drôlerie tragique de l’absurdité fanatique, début et fin se répondant avec une logique et violence implacables. Aucun plan n’est superflu. Chaque plan est sidérant de beauté, de significations et de minutie.

     

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    Il montre des fanatiques parfois courtois, mais surtout hypocrites (par exemple interdisant de fumer et fumant en cachette) et ridicules, parfois enfantins. La musique, les cigarettes, le football sont interdits. Les ordres, cocasses s’ils n’étaient dramatiquement réels, sont scandés par mégaphones. Des tribunaux rendent des sentences absurdes. Les femmes sont mariées de force ou encore obligées de porter des chaussettes et des gants…y compris la marchande de poissons qui résiste avec un courage inouï. L’équipe du film a, elle aussi, fait preuve de courage : le film, qui est sensé se situer à Tombouctou, a ainsi dû être tourné près de la frontière malienne, à l’extrême Est de la Mauritanie, dans un village hautement sécurisé. La folle Zabou est la seule femme à être épargnée. Interprétée par Kettly Noël, danseuse haïtienne installée à Bamako, faisant référence au tremblement de terre survenu le 12 janvier 2010 en Haïti, elle dit ainsi : « Le tremblement de terre, c’est mon corps. Je suis fissurée de partout ». Un autre chaos qui fait écho à celui, tout aussi ravageur, qui règne alors au Mali.

     

    Chaque plan est un véritable tableau dont la beauté ahurissante et la sérénité apparente exacerbent davantage encore la cruauté de ce qu’il raconte. Que dire de ce plan large vertigineux de beauté et qui nous laisse le temps (d’admirer, d’éprouver, de réfléchir), suite à la mort du pêcheur, un plan digne des plus grands westerns qui nous fait éprouver la somptuosité douloureuse et tragique de l’instant. La beauté et la dignité l’emportent sur l’horreur, constamment. La beauté formelle du film pour raconter l’âpreté du quotidien devient alors un acte de résistance. Ces personnages qui se dressent contre l’horreur comme cette jeune fille flagellée parce qu’elle a chanté et qui se met à chanter tandis qu’elle subit son châtiment est ainsi un exemple de cette résistance, une scène qui a la force poignante de « la Marseillaise » chantée dans « Casablanca».

     

    Sissako recours parfois aussi au burlesque pour montrer toute l’absurdité du fanatisme comme un écho à cette scène de « La vie est belle » de Benigni quand le petit garçon Giosué lit sur une vitrine « Entrée interdite aux juifs et aux chiens » et que Guido (Benigni) tourne l’inacceptable stupidité en dérision en déclarant qu’il interdirait son magasin « aux araignées et aux wisigoths ». De même, Sissako souligne aussi les contradictions grotesques des fanatiques qui interdisent la musique mais ne savent qu’en faire lorsqu’il s’agit de louanges au Dieu au nom duquel ils prétendent appliquer leur loi qui n’a pourtant rien à voir avec celle de la sagesse de l’imam de Tombouctou, impuissant face à ces horreurs et cette interprétation erronée de sa religion. Quelle intelligence faut-il pour réagir avec autant de sang-froid à une actualité aussi révoltante et brûlante sans tomber dans le mélodrame larmoyant, écueil magnifiquement évité par le cinéaste ?

     

    Le film est aussi une ode à l’imaginaire, arme et ultime espoir comme ces jeunes qui miment un match de foot sans ballon alors que le football leur est interdit. La musique, splendide, d’Amine Bouhafa ajoute de l’ampleur et de la force à cette scène sublimée par la photographie de Sofiane El Fani (directeur de la photographie de « La vie d’Adèle) qui nimbe le film d’une douceur poétique enivrante. La justesse de l’interprétation (quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que beaucoup des acteurs du film sont non professionnels, parfois choisis à la dernière minute), l’expressivité des visages et la beauté qui émane de l’harmonie de la famille de Kidane renforcent encore la force du film et de ses messages.

     

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    Laissez-vous à votre tour éblouir par la maîtrise époustouflante, par la beauté flamboyante, étourdissante, de Timbuktu, un film d’actualité empreint d’une poésie et d’une sérénité éblouissantes, de pudeur et de dérision salutaires, signifiantes : un acte de résistance et un magnifique hommage à ceux qui subissent l’horreur en silence. Sissako souligne avec intelligence et retenue la folie du fanatisme et de l’obscurantisme religieux contre lesquels son film est un formidable plaidoyer dénué de manichéisme, parsemé de lueurs d’humanité et finalement d’espoir, la beauté et l’amour sortant victorieux dans ce dernier plan bouleversant, cri de douleur, de liberté et donc d’espoir déchirant à l’image de son autre titre, sublime : « Le chagrin des oiseaux ». Le film de l’année. Bouleversant. Eblouissant. Brillant. Nécessaire.

     Critique de L'ODYSSEE

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    De cette projection du film de Jérôme Salle, je suis sortie bouleversée et éblouie, bousculée aussi, avec l’envie de vous en parler immédiatement  afin de vous inciter à courir voir et vivre cette « Odyssée » avant que le film ne disparaisse des écrans même si je pense qu’il devrait rester assez longtemps à l’affiche (il le mérite en tout cas).

    Bien sûr, toute existence est intrinsèquement romanesque pour peu qu’on porte sur celle-ci un regard curieux et singulier mais certains rêvent et vivent avec une démesure telle que leurs vies sont des films en puissance, comme l’était celle de Jacques-Yves Cousteau. Sa longiligne et élégante silhouette surmontée d’un bonnet rouge, comme un personnage de fiction qu’il s’était créé, une esquisse immédiatement reconnaissable, a tellement accompagné mon enfance qu’il me semblait que, aujourd’hui encore, personne ne pouvait ignorer qui était ce personnage éminent du XXème siècle, pourtant le réalisateur  Jérôme Salle précise ainsi que « En discutant autour de moi, j’ai réalisé qu’il était en train de tomber complètement dans l’oubli pour les moins de 20 ans, voire les moins de 30 ans. J’ai donc commencé à regarder ce qui était écrit sur lui. »

     Ne vous fiez pas au pitch officiel qui ne vous donnera qu’un petit aperçu de toute la force et la richesse de ce film : « 1948. Jacques-Yves Cousteau (Lambert Wilson), sa femme, Simone (Audrey Tautou) et ses deux fils, vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais Cousteau ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier. »

    Dès les premiers plans, magnifiquement captivants, alors que, dans son hydravion en péril, un des fils du Commandant Cousteau, Philippe (Pierre Niney), survole l’étendue bleutée tout est dit : le destin tragique, la beauté à couper le souffle des étendues maritimes, le souffle épique transcendé par la poignante musique d’Alexandre Desplat. Ensuite flashback sur les années qui ont précédé… Et nous voilà déjà envoûtés, embarqués dans une une aventure fascinante de plus de deux heures, une plongée en apesanteur.

    Sont ainsi posées les bases de la construction scénaristique absolument parfaite de ce film qui, au lieu d’être l’hagiographie en laquelle il aurait pu se transformer, est à la fois un portrait passionnant d’un homme complexe, et de ses relations passionnelles à ses fils et à sa femme, mais aussi un hymne à la beauté étourdissante à la nature. Plutôt que d’écrire un biopic linéaire qui aurait été une glorification du héros Cousteau, Jérôme Salle et son coscénariste, Laurent Turner, ont eu la judicieuse idée d’ancrer leur scénario principalement autour de ses relations conflictuelles avec son fils Philippe, finalement le vrai héros du film, lumineux, impétueux, fougueux, ardent défenseur de la nature. Dès l’enfance, c’est le fils préféré, le plus téméraire,  celui auquel son père prête le plus d’attentions, celui à qui il donne ses lunettes d’aviateur, vestige d’une première vie. Scellant ainsi son destin tragique.

     Le scénario d’une efficacité redoutable en un seul plan parvient à faire passer une idée et une émotion : lorsque Philippe regarde les étoiles, réminiscence de ces instants d’enfance avec son père, lorsque Philippe regarde les déchets depuis le pont du bateau, hésite et finalement n’y jette pas son mégot de cigarette, début de sa conscience et de son engagement écologiques. C’est lui qui amènera ainsi son père à se préoccuper d’écologie, non sans batailler et se quereller. Cousteau était d’abord en effet un communicant, plus soucieux de son image que de la préservation de la nature. On apprend ainsi que le célèbre bonnet rouge était son idée pour qu’on reconnaisse les membres de la Calypso et parce que c’était « télégénique ». Il mettait en scène son équipage, sa famille, et même la nature (deux pauvres otaries en firent ainsi les frais). En toile de fond défile la vie riche et tumultueuse de Cousteau aux quatre coins de la planète : ses découvertes, sa palme d’or (en 1956  pour « Le monde du silence »), ses difficultés financières. En une image ou une phrase, un pan de sa vie est brillamment suggéré.

    Certains plans nous font littéralement éprouver cette sensation d’apesanteur qu’évoque Cousteau, nous procurant la vertigineuse sensation de voler sous l’eau. Sublimes sont les images de ces raies filmées en contre-plongée. Fascinante est  la majesté des léopards des mers. Et puis que dire du voyage en Antarctique « là où l’océan semble plus vaste que nulle part ailleurs ». Nous retenons notre souffle. Comme, aussi, lors de cette scène, haletante, où  Philippe se retrouve au milieu des requins, où sa fascination l’emporte sur la peur, comme une danse onirique et macabre. Comme une métaphore de ses relations à son père, aussi, entre conflit et admiration.

    Je m’insurge régulièrement contre ceux qui ne cessent de comparer le cinéma français et américain, toujours au détriment du premier. Et ce film plus qu’aucun autre prouve notre capacité à réaliser et produire des films ambitieux avec un rare sens du récit. Par ailleurs, tous les personnages existent  quand trop de scénarios délaissent les personnages secondaires, que ce soit Bébert ou Jean-Michel, l’autre fils, pourtant condamné à l’ombre.

    Cousteau n’apparaît pas en héros mais comme un homme dans toute sa complexité, pétri de contradictions, narcissique, séduisant et dur, s’enivrant autant de notoriété que de la beauté des océans, faisant même preuve d’inhumanité parfois, ne prenant ainsi pas la peine d’aller à l’enterrement de son père ou étant particulièrement exigeant avec ses fils sans compter que la fidélité n’était pas non plus sa qualité première. Les vrais héros ce sont finalement son fils Philippe et sa femme, Simone.  Pudique et gouailleuse, tendre et rebelle, blessée et fière, la charismatique Simone est incarnée par Audrey Tautou dont on se demande toujours comment une apparence si fragile peut dégager autant de force et qui nous fait aussi bien croire à l’insouciance de la jeunesse qu’à l’amertume de la femme âgée, trompée, mais malgré tout digne et dont on découvre ici le rôle capital dans l’achat et la rénovation de La Calypso où elle vivait. Ensuite, Pierre Niney (encore à l’affiche de « Frantz » de François Ozon, à voir également absolument, ma critique ici), incarne remarquablement Philippe, un personnage, grâce à l'écriture et son interprétation sensibles, dénué de manichéisme, constitué de forces et de fragilités, de fougue et de failles, combattant et blessé par l’indifférence d’un père qu’il admirait tant et à côté duquel il était bien souvent difficile d'exister. Ses scènes de colère, toujours d’une sidérante justesse, me font penser à celles qui ont (parmi tant d’autres facettes de son talent) immortalisé Jean Gabin et me font penser que comme lui, plusieurs carrières l’attendent. Les premières minutes du film confirment aussi qu’il a un Anglais parfait (comme dans « Altamira » de Hugh Hudson vu au dernier Festival du Film Britannique de Dinard dont je vous parlerai demain dans mon compte rendu du festival).  Lambert Wilson, sans singer le Commandant (même si, grâce à la mise en scène également, la ressemblance est parfois troublante et sa silhouette ressemble alors à s'y méprendre à celle de Cousteau), nous le rappelle par son élégance, son visage émacié, sa voix magnétique, sa détermination inébranlable et nous fait découvrir l’homme derrière l’image. La scène lors de laquelle ces deux caractères forts et orgueilleux se confrontent dans un restaurant aux Etats-Unis est d’une intensité rare et en procure encore plus à leurs retrouvailles (je ne vous en dis pas plus), pudiques et bouleversantes. Les scènes du début nous reviennent alors un mémoire comme un paradis perdu fait d’insouciance, de joie de vivre, de danse, au bord d’une Méditerranée, sorte d’Eden auquel ressemble d’ailleurs souvent l’enfance dans nos mémoires confrontées aux vicissitudes et tourments de l’existence qui lui succèdent.

    Tout le film, sans jamais être péremptoire ou didactique, résonne comme un avertissement (sur les assauts subis par la nature, les espèces de baleine disparues, les océans où « on ne pourra plus se baigner car seuls les bactéries et les virus résisteront à la pollution »),  mais cette résonance, cette alarme même, culmine dans les dernières minutes et c’est plus convaincant et bouleversant que n’importe quel discours lorsque Cousteau lui-même prend conscience de la nécessité d’agir et de préserver ce monde qui l’a tant fasciné, qu’il a aussi utilisé, l'amenant ainsi à fonder « La Cousteau Society ». «L’immensité, le silence, la pureté. J’ai découvert un nouveau monde puis j’ai voulu le montrer puis le conquérir alors qu’il fallait le protéger. »

    Après ce voyage dans un monde d’une beauté sidérante, d’une pureté irréelle, apprendre que le Moratoire qu’a fait signer Cousteau en 1991 pour protéger le continent blanc pendant 50 ans, non seulement a subi des tentatives de remise en cause mais en plus expirera (et alors qu’adviendra-t-il  quand les compagnies d’exploitation minière ne seront plus empêchées d’agir?), nous déchire le cœur.  Et plus encore de savoir que les seuls effets numériques sont ceux qu’a nécessité le tournage à Marseille pour ajouter des poissons disparus. On imagine alors aisément l’épique aventure qu’a dû être ce tournage pour toute son équipe, et le défi qu’a été ce film tourné dans des conditions réelles et parfois difficiles. Et on se demande vers quelle aventure peut se tourner ensuite Jérôme Salle dont chaque réalisation témoigne de son sens admirable du romanesque et du récit (« Anthony Zimmer » qu’il a réalisé en 2005 était déjà un modèle du genre). Il sait aussi indéniablement s’entourer. La photographie de Matias Boucard reflète parfaitement l’éblouissante majesté de la nature. La musique d’Alexandre Desplat procure un souffle et une émotion supplémentaires à l’ensemble et nous plonge d’emblée dans l’atmosphère hypnotique du film. Le montage judicieusement elliptique est d’une limpidité et d’une efficacité incontestables. Et quant aux acteurs, ils sont tous parfaitement à leur place du plus grand au plus petit rôle.

    Une leçon d’écriture scénaristique. Un film à l’image de celui dont il retrace la vie : complexe et élégant. Un coup de projecteur sur un homme et les dérives d’un siècle, époque narcissique, matérialiste, qui dévore tout, y compris ce qu’elle admire : «  L’homme a plus détruit la planète au 20ème siècle qu’au cours de tous les autres siècles réunis ».  Un hymne au monde du silence, à sa beauté époustouflante, à la vie aussi. Une épopée romanesque vibrante. Une belle histoire d’amour (entre un père et son fils, entre Jacques-Yves et Simone, entre l’homme et l’océan). Une valse étourdissante dont on ressort avec en tête des images et un message forts et cette phrase : « Nous sommes là le temps d’un battement de cils à l’échelle de l’univers alors profitez-en, c’est la vie qui est plus forte que tout ». Plus qu’un film, une aventure, un voyage, une bouffée de romanesque et de sublime, une croyance dans les rêves et en l’utopie.  Je vous mets au défi de regarder la bande-annonce sans frissonner… Le film est à son image. Alors, qu’attendez-vous pour vivre cette bouleversante et éblouissante aventure à votre tour ?

    Critique de Moi, Daniel Blake

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    I, Daniel Blake est un film pour lequel le cinéaste britannique pourrait bien à nouveau recevoir la palme d'or. Dix ans après l’avoir déjà obtenue pour « Le vent se lève » Ken Loach, ainsi, pourrait intégrer le cénacle des cinéastes ayant reçu deux palmes d’or : les Dardenne, Francis Ford Coppola, Shohei Imamura, Emir Kusturica, Michael Haneke. Alors qu’il avait annoncé il y a deux ans, après « Jimmy’s hall » (en compétition officielle du Festival de Cannes 2014) qu’il ne tournerait plus, Ken Loach est donc revenu à Cannes. Sa sélection était une évidence tant ce film capte et clame les absurdités cruelles et révoltantes d’un monde  et d’une administration qui broient l’individu, l’identité, la dignité comme celles de Daniel Blake (formidable Dave Johns), menuisier veuf, atteint d’une maladie cardiaque mais que l’administration ne considère pas comme suffisamment malade pour avoir droit à une pension d’invalidité. 

    Le regard plein d’empathie, de compassion que pose Loach sur Daniel Blake, et celui plein de clairvoyance sur le monde qui l’entoure et plein de colère contre les injustices dont il est victime contribuent à cette  œuvre à la fois très personnelle et universelle. Que Daniel Blake évoque sa femme décédée, que Ken Loach dessine les contours d’ une famille qui se reconstitue (Daniel Blake rencontre une jeune mère célibataire de deux enfants contrainte d’accepter un logement à 450 kms de sa ville natale pour ne pas être placée en famille d’accueil), son point de vue est toujours plein de tendresse sur ses personnages, teinté d’humour parfois aussi, et de révolte contre ces « décisionnaires » qui abusent de leur pouvoir, presque de vie et de mort, dans des bureaux qui ressemblent aux locaux labyrinthiques, grisâtres et déshumanisés  de « Playtime »  comme un écho à cette époque d’une modernité  aliénante, déshumanisante et parfois inhumaine que Tati savait déjà si bien tourner en dérision et envelopper dans un vaste manège.

    « Moi, Daniel Blake », c’est l’histoire d’un homme qui veut rester maître de son existence, qui se réapproprie son identité et son honneur que cette administration étouffante essaie de lui nier, qui prend le pouvoir, celui de dire non, de clamer son patronyme, son existence, lors de deux scènes absolument bouleversantes. Le poing levé de Ken Loach  qui nous lance un uppercut en plein cœur, ce cœur qui (ce n’est sans doute pas un hasard que le mal se situe là)  lâche peu à peu Daniel Blake, lui qui en possède tant. 

    « Moi, Daniel Blake » c’est un film qui donne la parole à tous ceux qu’un système inique veut murer dans le silence et leur détresse. « Moi, Daniel Blake »,  c’est la démonstration implacable de la férocité meurtrière d’un système, un film d’une force, d’une simplicité, d’une beauté, mais aussi d’une universalité redoutables et poignantes.

    Un film en forme de cri de colère, de douleur, et d’appel à l’humanité dont les lueurs traversent le film et nous transpercent le cœur, bien après les derniers battements de ceux de Daniel Blake.  

     


     
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